mardi 11 mai 2010

LaboCom >29< Compétition et statut symbolique : la motivation et la mobilisation des équipes revisitées

La compétition entre individus n’empêche pas la coopération de ces mêmes individus lorsqu’ils sont réunis au sein d’un groupe. De proche en proche, le phénomène se reproduit avec la compétition entre groupes. Ainsi, bon nombre de chercheurs en psychologie évolutionnaire pensent que cette « coopétition » (mixte de coopération et de compétition) a joué un rôle fondamental dans l’évolution humaine, notamment dans le développement de l’altruisme, de la morale, de la religion et de divers « marqueurs cognitifs et symboliques de groupe ».

Les tribus de chasseurs-cueilleurs en lutte pour l’appropriation d’un territoire ne sont pas les seules concernées : un rapide coup d’œil sur notre époque montre aisément que des groupes en compétition existent partout. Le monde économique en donne le meilleur exemple avec un “territoire” où les parts de marché ont remplacé le gibier et les baies sauvages, et les entreprises les hordes !

Robert Lount et Nathan Pettit, du département de management et de ressources humaines à l’Université de l’Ohio, ont mené cinq expériences sur des étudiants pour comprendre plus en détail les motivations des acteurs dans cette compétition entre groupes. Ces tests analysaient une variable : le statut des groupes évalué à partir de la réputation de leur université respective. Les étudiants devaient donc faire mieux que des groupes ayant un statut supérieur ou inférieur au leur. Résultat : les performances ont été meilleures (+30 %) quand un groupe en affrontait un autre de statut inférieur. Prendre la place du premier est donc moins motivant qu’éviter d’être soi-même relégué.

« Les gains de motivation apparaissent quand les étudiants craignent que leur statut supérieur soit remis en question », souligne Robert Lount. Selon lui, ces résultats s’appliquent à tout domaine : le sport comme la vie dans l’entreprise. « Si les groupes se focalisent sur le gain de statut, ils perdent une part importante de leur motivation. Les gens travaillent davantage pour ne pas perdre le statut qu’ils ont déjà, que pour en acquérir un autre jugé supérieur ».

Dans un travail indépendant, mené avec Kevyn Tong et Sandra E. Spantaro, Nathan C. Pettit a organisé trois nouvelles expériences qui analysaient cette fois la motivation de l’individu au sein de son groupe. Le résultat fut identique : l’idée de perdre son statut dans le groupe produit une mobilisation plus forte des ressources que la perspective de gagner un rang supérieur.

Ce ressort de la motivation humaine ne doit pas être négligé, en particulier dans l’analyse et la résolution des conflits traditionnellement observés dans l’entreprise, entre les fonctions supports et les fonctions opérationnelles, les services marketing et les services relation clients ou encore les directions juridiques et les directions commerciales.

Mobiliser et motiver des équipes à l’aune de ces facteurs cognitifs et symboliques pourraient s’avérer plus pertinent que bien des démarches de management du changement…

Références : Pettit NC, RB Lount Jr (2010), Looking down and ramping up: The impact of status differences on effort in intergroup contexts, Journal of Experimental Social Psychology, 46, 1, 9-20, doi : 10.1016/j.jesp.2009.08.008 ; Pettit NC, K Yong, SE Spataro (2010), Holding your place: Reactions to the prospect of status gains and losses, Journal of Experimental Social Psychology, 46, 2, 396-401, doi:10.1016/j.jesp.2009.12.007.
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