mardi 28 septembre 2010

LaboCom >41< A propos d’une nouvelle étude Inférences : donner du sens aux flux d’information


Le web social a connu une progression rapide depuis le milieu des années 2000, qu’il s’agisse de sites communautaires comme Facebook ou de microblogging comme Twitter. Ses usagers l’utilisent de plus en plus souvent pour exprimer leurs opinions sur l’actualité du moment, sur leurs expériences quotidiennes, sur leurs choix de consommation ou de style de vie.

Gérer la sémantique des flux
Cette information abondante, potentiellement infinie, constitue désormais un enjeu majeur de la communication institutionnelle (et produits) des organisations. Entreprises et institutions avaient en effet pour habitude d’émettre des messages vers leurs cibles (one-to-many) ; elles sont désormais – ainsi que leurs propres cibles – destinatrices involontaires de messages innombrables qui participent à la construction de leur notoriété et de leur réputation (many-to-one et many-to-many).

Complexe, la maîtrise de ces flux massifs d’information peut cependant constituer une opportunité pour sélectionner, analyser et exploiter des données stratégiques concernant son image. C’est précisément l’enjeu des spécialités à  préfixes en « e- » ayant fleuri depuis quelques années : e-réputation, e-notoriété, e-marketing, etc.

Pour gérer le flux et s’y insérer, il faut cependant disposer des bons outils. Si l’information est devenue abondante et gratuite, le temps est devenu rare et cher : personne ne peut compulser des giga- ou des terabytes de textes pour en extraire les signaux pertinents ; nous sommes donc obligés de construire des filtres pour identifier les informations qui méritent notre attention.

Plusieurs études nord-américaines (dont certaines ont été commentées en détail dans Labocom) ont déjà montré que Twitter est un outil fiable d’analyse de l’opinion publique dans le domaine de la confiance des consommateurs (O’Connor 2010), des sentiments à l’égard des marques (Jansen 2009) ou encore pour prédire le succès ou l’échec d’un film (Asur 2010).

Inférences, en collaboration avec le cabinet Adverbe, a testé son nouvel outil DoxoWeb sur le Twitter français, en choisissant un sujet d’actualité politique et sociale : la réforme des retraites. Nous vous laissons découvrir le résultat sur ce lien http://www.inferences-conseil.com//PDF/EtudeRetraite1TwitterOK.pdf

Utiliser des savoir-faire ad-hoc
Il paraît utile, dans le cadre de notre Labocom hebdomadaire, d’insister sur les contraintes pesant sur ce type d’exercice. On voit en effet fleurir depuis quelque temps déjà des annonces évoquant « web sémantique » ou « veille stratégique » : ces offres alléchantes ne tiennent hélas que rarement leurs promesses.

Toute la difficulté réside en effet dans le tri efficace des informations pertinentes pour la problématique étudiée parmi le bruit de fond important des messages n’exprimant aucune opinion particulière. Or, la qualité de ces filtres tient avant tout à la rigueur des outils de linguistique mobilisés et à la cohérence de leur cadre sémantique. L’outil DoxoWeb, dérivé de quatre années d’analyse quantitative et qualitative de corpus, a permis de dégager des régularités dans l’usage des champs lexicaux et sémantiques relayés par la communication des organisations.

Pour donner un exemple concret, la seule catégorie des qualifications morales d’une situation (« est-ce juste ou injuste ? ») correspond à un lexique spécifique d’environ 450 mots (adjectifs, substantifs, adverbes, verbes, formules idiomatiques) classés selon leur polarité (positif ou négatif) et leur valence (haute ou basse intensité). Et la morale n’est qu’un exemple, puisque le traitement semi-automatisé du langage en vue d’extraire des opinions exige de prendre en considération toutes les catégories du jugement humain, que celles-ci soient performatives, cognitives, émotives, esthétiques ou éthiques.

Références
  • Adverbe / Inférences (2010), La réforme des retraites vue du Web (1) : Twitter soutient-il le gouvernement ou les syndicats ?, études DoxoWeb.
  • Asur S, BA Huberman (2010), Predicting the future with social media, Social Computing Lab, HP Labs, Palo Alto,
  • Jansen BJ, M. Zhang, K Sobel A Chowdury (2009). Micro-blogging as online word of mouth branding. Proceedings of the 27th international conference extended abstracts on Human factors in computing systems - CHI EA ’09, p. 3859.
  • O'Connor B, R Balasubramanyan, BR Routledge, NA Smith (2010), From tweets to polls: Linking text sentiment to public opinion time series, Proceedings of the International AAAI Conference on Weblogs and Social Media, Washington, DC.
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mardi 21 septembre 2010

Une nouvelle étude Inférences / Réforme des retraites : Twitter soutient très majoritairement les syndicats !


Depuis plusieurs années, le réseau de microblogging Twitter est utilisé aux Etats-Unis pour réaliser des enquêtes d’opinion sur des personnalités politiques, des marques, des sorties de film ou de disques. Les tweets (messages sur Twitter) envoyés spontanément par les internautes se sont révélés des outils très fiables d’analyse et de prédiciton, généralement en accord avec les sondages classiques.

Pour la première fois, Inférences, en collaboration avec la société Adverbe spécialisée dans l'e-réputation et le community management, a utilisé son outil DoxoWeb – spécialement développé pour analyser les opinions sur le web – sur un thème brûlant de l’actualité : la réforme des retraites. 

Près de 1 000 tweets ont été extraits entre le 30 août et le 17 septembre, soit une semaine avant et après la première mobilisation syndicale du 7 septembre dernier.

Les signaux émergents des tweets sont à nette dominante négative : registres de la colère et du conflit, du danger et de l’anxiété, ainsi que de l’immoralité (caractère inique de la réforme). 

La présence remarquable du vocabulaire de la mobilisation et du conflit ainsi que la référence dominante aux syndicats dans le vocabulaire politique indique que le réseau Twitter est plutôt en accord avec les revendications antigouvernementales.


 
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LaboCom >40< Des valeurs culturelles aux valeurs d’entreprises : la dimension implicite


Voici trente ans tout juste, Geert Hofstede publia un livre qui eut par la suite une énorme influence sur le management (Hofstede 1980). Fondé sur une vaste enquête internationale – notamment 116.000 sondages auprès de 88.000 employés d’IBM dans 72 pays –, cet ouvrage s’attachait à cerner les facteurs culturels influençant la vie dans l’entreprise.

Hofstede proposa une échelle des valeurs sur quatre axes :
  • Individualisme-collectivisme (i.e degré auquel un employé agit d’abord comme individu ou comme membre d’un groupe)
  • Distance au pouvoir (i.e niveau d’acceptation d’un pouvoir inégalement réparti dans l’organisation ou l’institution)
  • Evitement de l’incertitude (i.e réponse de la société face à des situations menaçantes, incertaines ou ambiguës)
  • Masculinité-féminité (i.e domination masculine ou féminine dans les valeurs directrices du groupe).
En simplifiant, cette échelle suggère de s’intéresser au poids du contexte culturel dans les rapports de l’individu au groupe, au pouvoir, au risque et au genre.

Ces quatre axes, notamment le premier, ont donné lieu à des milliers d’études empiriques. A l’occasion du trentenaire de la parution de l’opus de Hofstede, trois chercheurs nord-américains – Vas Taras, Bradley L. Kirkman et Piers Steel – ont entrepris une méta-analyse critique de 598 travaux (200.000 individus concernés) utilisant son échelle des valeurs culturelles.

Il en ressort notamment que ces valeurs culturelles ont moins d’influence que les différences interindividuelles sur certains aspects (par exemple, absentéisme, recherche de performance, turnover), mais qu’elles sont prédominantes dans d’autres champs de la vie de l’entreprise : attachement à l’organisation, identification au groupe, comportement citoyen, attitudes dans le travail d’équipe. Par ailleurs, ces valeurs culturelles ont en moyenne plus d’influence chez les managers et les cadres, les seniors, les hommes et les personnes plus éduquées. Enfin, plus que les performances elles-mêmes, les valeurs culturelles pèsent sur les émotions, attitudes et comportements développés par l’individu sur son lieu de travail.

Aujourd’hui, la plupart des nations sont pluriculturelles et cette question de l’arrière-plan imaginaire et axiologique des individus ne concerne plus seulement le top-management des multinationales. De même, les anciennes cultures nationales et religieuses assez homogènes sont doublées de nombreuses cultures « tribales ». Une entreprise confrontée à des problèmes d’organisation, d’intégration ou de motivation gagnerait donc à établir un diagnostic culturel parmi la panoplie des remèdes à sa disposition.

Références : Hofstede, G. (1980a), Culture's Consequences: International Differences in Work-Related Values, Beverly Hills, Sage Publications. Examining the Impact of Culture's Taras V et al (2010), Consequences: A three-decade, multilevel, meta-analytic review of Hofstede's cultural value dimensions, Journal of Applied Psychology, 95, 3, 405-439, doi:10.1037/a0018938
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mardi 14 septembre 2010

LaboCom >39< Les signatures de marques sont-elles contre-productives ?

On appelle « effet d’amorçage » – priming effect en anglais – la capacité d’un mot, d’une image ou d’un son à induire certains comportements chez le récepteur. Cet effet est très utilisé en marketing, notamment en publicité. Il en constitue même un des fondements psychologiques.

Mais les spécialistes de la marque le savent bien : rien n’est plus difficile que de capter l’esprit du consommateur et de provoquer ensuite un comportement souhaité.

Juliano Laran (Université de Miami), Amy N. Dalton (Université de Hong Kong) et Eduardo B. Andrade (Université de Californie, Berkeley) viennent de le confirmer par cinq expériences aux résultats convergents. Ils ont observé que le nom de marque provoque généralement un effet d’amorçage cohérent (attendu), mais que le slogan associé produit le contraire. Par exemple, les consommateurs exposés à « Walmart » sont majoritairement dans un état d’esprit d’économie et de produits pas chers, ce qui se retrouve dans leur caddie. Mais quand ils sont exposés au slogan de Walmart (« Save money, live better »), l’effet d’amorçage se bloque et les consommateurs se montrent au contraire plus hésitants dans leurs achats.

Plus étonnant : les trois chercheurs ont vérifié que cette résistance du consommateur fonctionnait aussi en image subliminale – trop rapide pour accéder à la conscience –, et c’est bien le cas ! Il semble que nous possédions un instinct de résistance à la manipulation quand celle-ci est formulée en mots et injonctions.

Le client, consommateur ou collaborateur ne se laisse plus bercer d’illusions, et emporter sa conviction est de plus en plus difficile. Une communication efficace est désormais au prix d’une exploration bien plus fine que jadis des méandres de l’esprit et du langage humain.

Référence : Laran J et al (2010), The curious case of behavioral backlash: Why brands produce priming effects and slogans produce reverse priming effects, Journal of Consumer Research, epub sept 2010, doi : 10.1086/656577
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mardi 7 septembre 2010

LaboCom >38< Les mots de nos affects et de nos représentations

Voici neuf ans, des attentats meurtriers frappaient les Etats-Unis d’Amérique. Quelles ont été les émotions dominantes dans le jour qui a suivi ce 11 septembre 2001 ?

Trois psychologues et linguistes de l’université de Mainz (Allemagne), Mitja D. Back, Albrecht C.P. Küfner et Boris Egloff, ont passé au crible 50 000 messages envoyés par des Américains au lendemain de l’attentat et publiés récemment sur WikiLeaks. Un outil d’analyse automatique de texte a recherché les mots connotant la tristesse, l’anxiété et la colère.

La tristesse est quasiment absente des réactions immédiates. Les chercheurs ont observé une montée régulière de la colère (dix fois plus de messages colériques le soir que le matin). Quant à l’anxiété, elle a connu une courbe en U renversé, montrant un pic quelques heures après l’annonce et les images de l’attentat, mais retombant en fin de journée à ses niveaux habituels.

Pour les trois chercheurs, cette nette domination de la colère permet de comprendre les événements qui ont suivi dans la semaine du 11 septembre, notamment les actes localisés de vengeance contre des individus ou des bâtiments musulmans, et plus largement le soutien de la population aux mesures de riposte du gouvernement américain.

A l’heure où des flux croissants d’informations textuelles se déversent  sur Internet et dans les médias, il devient possible pour les personnalités, les marques, les entreprises et les organisations en général d’analyser ainsi la tonalité dominante des discours que l’on tient sur elles. L’outil DoxoLab®, développé par le cabinet Inférences et lancé au printemps dernier, fonctionne d’ailleurs selon une méthode similaire à celle employée par les trois chercheurs allemands : une analyse sur grands volumes de certains répertoires de mots connotant des émotions, des sentiments, des valeurs ou bien signalant automatiquement  des argumentations dignes d’intérêt.

Le langage exprime l’esprit : à chacun d’en prendre conscience… et d’en tirer les conséquences.

Référence : Back MD et al (2010), The emotional timeline of September 11, 2001 Psychological Science, doi:10.1177/0956797610382124  
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