mercredi 24 février 2010

LaboCom >19< La communication managériale à l’âge de l’empathie

Après avoir demandé l’automne dernier aux entreprises de prendre des mesures face au stress professionnel, le ministère du Travail a publié la semaine dernière la liste rouge des sociétés qui n’ont pas donné suite à cette demande. Plusieurs entreprises ayant souligné le caractère arbitraire de cette démarche fondée sur la seule évaluation d’annonces n’engageant à rien de concret, cette liste a finalement été abandonnée.

Il n’en reste pas moins que le stress au travail est une réalité massive, de nature à nourrir la démotivation et la défiance.

David L. Patient et Daniel P. Skarlicki ont analysé la manière dont nous réagissons aux mauvaises nouvelles, notamment à travers une expérience portant sur 1 132 managers d’entreprises qui devaient rédiger l’annonce d’un licenciement. Les sentiments de justice interpersonnelle (l’honnêteté de l’interlocuteur) et de justice informationnelle (l’honnêteté du message) ont été ressentis de manière d’autant plus forte par les destinataires de la mauvaise nouvelle que l’annonce comportait des traits empathiques. Cet effet est accentué en cas de recours à des critères moraux (mesurés de manière indépendante).

La communication seule ne peut pas adoucir des réalités souvent difficiles : mais elle peut aider à les exprimer et à les supporter. Ne pas en tenir compte, c’est prendre à rebrousse-poil les attentes d’une époque désormais massivement dominée par l’empathie.

Référence : Patient DL, DP Skarlicki (2010), Increasing interpersonal and informational justice when communicating negative news: the role of the manager’s empathic concern and moral development, Journal of Management, 36, 2, 555-578, doi: 10.1177/0149206308328509

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mercredi 17 février 2010

LaboCom >18< Le choix : liberté ou… fardeau ?

Nos sociétés valorisent le choix comme synonyme de liberté, dans le domaine politique bien sûr à travers la démocratie, mais aussi dans le domaine économique : choix entre de nombreux biens de consommation, de nombreux services, de nombreux métiers, de nombreuses options pour la croissance de l’entreprise.

Et pourtant, certains travaux des sciences du comportement ont suggéré que le choix peut être vécu comme un fardeau, paralysant la motivation et augmentant la déception : plus il y a d’options, plus le choix serait difficile et ses conséquences négatives ou neutres. Pour en avoir le cœur net, Benjamin Scheibehenne et ses collègues ont procédé à une méta-analyse de 50 travaux (63 expériences sur 5036 personnes) consacrés exclusivement à cette question. Il en résulte finalement que le choix n’est, en moyenne, attaché à aucun effet significatif (positif ou négatif), mais qu’il existe une variance (i.e dispersion autour de la moyenne
) très importante entre les différentes expériences.

Dans une autre étude, Hazel Rose Markus et Barry Schwartz suggèrent une première piste pour expliquer la variation de ces résultats. Ces deux chercheurs soulignent que si les classes socio-économiques supérieures des sociétés occidentales tendent à valoriser le choix, il n’en va pas de même pour les expériences menées dans des milieux moins favorisés ou dans certaines sociétés non-occidentales : là, le choix peut être indifférent, voire perçu comme un souci ou un obstacle.

Ces recherches peuvent alimenter la réflexion du management transculturel aussi bien que du marketing. Plus fondamentalement, dans une époque où Internet a démultiplié les offres comme les informations, elles rappellent que les cerveaux humains ne sont pas forcément câblés pour supporter cette « abondance cognitive », et que faciliter les choix est sans doute aussi important que de les multiplier...

Références : Scheibehenne B, R Greifeneder, PM Todd (2010),  Can there ever be too many options? A meta‐analytic review of choice overload, J Consumer Research, epub, doi : 10.1086/651235. Markus HR, B Schwartz (2010), Does choice mean freedom and well‐being?, J Consumer Research, epub, doi :10.1086/651242

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mercredi 10 février 2010

LaboCom >17< Mieux s’informer sans se déconcentrer…

Oublier ce que l’on était en train de faire après une courte interruption : voilà un problème que tout le monde connaît dans un milieu saturé de moyens de communication. Et les environnements numériques de travail ont tendance à aggraver le problème.

Comment faire pour minimiser cette distraction perpétuelle qui nous ralentit dans l’accomplissement de nos tâches ? P.L. Morgan et ses collègues ont testé une hypothèse en cours dans la communauté des psychologues cognitifs, appelée les « contraintes douces » : selon celle-ci, plus on augmente le coût d’accès à l’information, c’est-à-dire le temps et l’effort nécessaires pour accéder à une information, plus la mémoire de la tâche présente sera préservée. Les chercheurs ont donc procédé à des tests pour vérifier cette assertion. Des volontaires subissaient des distractions plus ou moins coûteuses d’accès – par exemple, un fil d’information visible en continu (coût faible) ou un e-mail avec pièce jointe à ouvrir (coût élevé). Et de fait, quand on se remet à sa tâche, les coûts élevés favorisent un retour plus rapide de la concentration, en moyenne.

Cela peut sembler contre-intuitif : faire un effort pour accéder à une information (autre que celle en cours de notre travail) devrait être plus perturbant. Mais il est possible que notre mémoire de travail compartimente mieux les tâches quand elles sont nettement disjointes et tende à saturer dans le cas inverse. On peut en déduire des règles d’hygiène de la vie cognitive, à tester sur soi. Par exemple, pour les distractions actives (accès volontaire aux mails vs réception passive d’un coup de téléphone par exemple), mieux vaut se fixer des pauses clairement définies, même nombreuses durant une heure, que de surfer de manière continue entre sa boîte de réception et son document de travail en cours.

Référence : Morgan PL et al (2009), Improving memory after interruption: exploiting soft constraints and manipulating information access cost., J Exp Psychol Appl., 15, 4, 291-306.

Nota :
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mercredi 3 février 2010

LaboCom >16< Managers, ne blâmez plus vos équipes !

Nathanael J. Fast (Marshall School of Business, Université de Californie) et Larissa Tiedens (Université Stanford) sont respectivement chercheurs en management et en comportement des organisations. Dans quatre expériences indépendantes, ils se sont intéressés aux conséquences d’un blâme public frappant un individu dans un groupe. Ils ont observé à chaque fois le même phénomène : le blâme est contagieux ! C’est-à-dire qu’il augmente la probabilité de voir ensuite les membres du groupe s’adresser mutuellement des reproches.

D’où vient l’épidémie ? De la nécessité de protéger l’image de soi, selon les chercheurs, « Quand nous voyons d’autres personnes protéger leur ego, nous devenons à notre tour défensifs. Nous essayons alors de protéger notre image personnelle en blâmant les autres pour nos erreurs ». Pour Fast et Tiedens, les effets du blâme peuvent être dévastateurs pour l’état d’esprit d’une équipe, d’un service ou d’une entreprise tout entière. Phénomène accentué en période de crise : « Les reproches deviennent monnaie courante quand les gens craignent pour leur sécurité dans une entreprise, commentent-ils, quand leur emploi est menacé ».

S’il veut éviter que se développe une « culture de la peur et de la défiance », la bonne attitude du manager consiste à faire ses reproches sans témoin, mais inversement d’encourager et de féliciter publiquement. Plus l’ego se sent valorisé, moins il se livre à des crispations menant à la désunion.


Référence : Fast NJ, L Tiedens (2010), Blame contagion: the automatic transmission of self-serving attributions, Journal of Experimental Social Psychology, 46, 1, 97-106, e-pub novembre 2009, doi: 10.1016/j.jesp.2009.10.007

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