samedi 19 décembre 2009

L’échec de Copenhague et les contradictions de la RSE

De l’avis général des observateurs, la conférence de Copenhague sur la régulation des émissions de gaz à effet de serre s’est achevée sur un échec. Beaucoup attendaient un texte ambitieux, c’est-à-dire juridiquement contraignant, pour prendre la relève de Kyoto : il faudra se contenter d’une déclaration politique sans contrainte ni chiffrage précis, et donc sans certitude réelle sur sa mise en pratique.

Pour analyser cet échec, de nombreux facteurs sont mis en avant : frilosité des États-Unis malgré Obama, impassibilité de la Chine qui vise à préserver d’abord sa croissance et sa souveraineté, blocage des pays pauvres ou émergents qui réclament plus de compensations, maladresses diplomatiques des uns et des autres, court-termisme congénital du capitalisme…

Nous voudrions proposer ici une hypothèse simple et iconoclaste, prenant un peu de hauteur par rapport au rythme trépidant de l’actualité : l’échec de Copenhague révèle peut-être une contradiction non résolue, et éventuellement non soluble, entre la responsabilité sociale et la responsabilité environnementale du dirigeant, que ce soit le dirigeant politique ou le dirigeant économique.

Car les faits sont têtus, il est toujours utile d’avoir les ordres de grandeur à l’esprit. Ainsi, plus de 80 % de l’énergie provient des sources fossiles. Environ 4,5 milliards d’humains appartenant à l’ancien tiers-monde sont engagés dans un processus de développement rapide, ils seront environ 7 milliards en 2050 selon les scénarios démographiques les plus probables. L’Occident a fondé son développement sur deux siècles d’exploitation intensive du charbon, du gaz et du pétrole, pour une population qui était alors de quelques centaines de millions d’individus : on voudrait obtenir la même croissance pour dix fois plus de monde, en quatre fois moins de temps… et tout cela en se privant au maximum de l’énergie ayant le meilleur rapport rendement/coût!

Il n’est pas difficile de concevoir que la problématique ainsi posée relève de la quadrature du cercle. Sauf à défendre une position ouverte de « décroissance »… mais en pleine crise économique, elle est peu audible chez les pays riches, encore moins chez ceux qui entendent le devenir.

Pourquoi le cabinet Inférences s’intéresse-t-il à cette question ? En janvier 2010, nous publierons, en collaboration avec UJJEF-Communication et entreprise, notre prochaine étude consacrée au discours du développement durable dans les entreprises françaises. Il se trouve que les chefs d’entreprises sont confrontés, à leur échelle, au même type de choix fondamental : arbitrer entre la dimension sociale du développement durable, qui suppose la croissance de l’entreprise et l’équité dans le partage de sa richesse, et sa dimension environnementale, qui suppose de donner priorité à la limitation des impacts énergétiques, climatiques et naturels résultant de l’activité… et donc de la croissance.

Or, si certaines mesures s’inscrivent assurément dans une logique « gagnant-gagnant » – par exemple, travailler sur l’efficience énergétique réduit les coûts, augmenter la compétitivité et limite les émissions carbone –, rien ne dit que l’entreprise ne soit pas confrontée, dans les années à venir, aux mêmes contradictions que les politiques.
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jeudi 17 décembre 2009

LaboCom >11< Quand l’overdose d’informations menace


Depuis l’invention de la tablette d’argile jusqu’à celle de l’ordinateur, l’information se produit et se transmet de plus en plus facilement et à un coût de moins en moins élevé. La conséquence pratique est que nous sommes submergés d’informations. On a estimé qu’un urbain du début du XXIe siècle croise autant d’informations différentes en une semaine qu’un paysan du XVIIIe siècle dans toute sa vie. Résultat : nous sommes surinformés, et peinons de plus en plus à distinguer les signaux essentiels dans le « bruit » du flot continu.

Dans la Harvard Business Review, Paul Hemp fait la synthèse de deux études parues sur le sujet. Dans l’une, on apprend qu’un tiers des 350 mails hebdomadaires reçus chaque semaine par les salariés se révèle inutile, alors que les collaborateurs consacrent en moyenne deux heures par jour aux mails reçus. Dans l’autre, on constate qu’il faut environ 25 minutes pour se reconcentrer sur un travail après avoir été interrompu par une information parasite. Intel a chiffré à 1 milliard de dollars le coût annuel de la surinformation. Pour la petite histoire, 60 % des Américains lisent désormais leurs mails dans la salle de bain, 2 % à l’église, 11 % se cachent de leur conjoint pour consulter leur courrier professionnel…

Le plus étonnant, nous dit Paul Hemp, est que les entreprises savent tout cela, même intuitivement, et que la plupart ne font… rien. La perturbation cognitive due à une mauvaise gestion de l’information est pour l’instant acceptée comme une fatalité. Or, les solutions existent. Des logiciels permettent de poser un timbre virtuel sur les courriers internes, d’autres d’attribuer une valeur relative aux courriers et à leurs sources, d’autres encore de créer des liens intelligents au sein d’une masse d’informations éclatées. Mais au-delà des outils technologiques, les individus comme les organisations doivent impérativement se doter de guides et de formations pour survivre dans la jungle informationnelle. Combien le font ?

Référence : Hemp P (2009), Death by information overload, Harvard Business Review, septembre.
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mardi 15 décembre 2009

LaboCom >10< Effet Pygmalion : une clé pour le management du changement


Pygmalion, sculpteur de l’Antiquité, créa la statue d’une femme si belle qu’il en tomba amoureux. Pour rendre cet amour possible, la déesse Aphrodite donna vie à la statue. En psychologie comme en pédagogie, on appelle effet Pygmalion (ou effet Rosenthal, du nom de son théoricien), toute situation dans laquelle les modalités d’un apprentissage influencent (positivement ou négativement) les résultats de ceux qui le reçoivent.

Une équipe de chercheurs néerlandais s’est intéressée à l’effet Pygmalion au sein des organisations, dans les relations entre des leaders et des collaborateurs impliqués dans l’apprentissage d’une tâche. 904 rapports dyadiques managers/subordonnés issus de dix organisations différentes ont été analysés. Les chercheurs ont utilisé cinq facteurs d’observation : densité des relations ; spécificité d’un objectif ; difficulté d’un objectif ; opportunité d’apprentissage ; feedback.

Les résultats montrent que les collaborateurs réussissent d’autant mieux à progresser que les objectifs présentés sont définis comme spécifiques et difficiles. Parmi les autres facteurs, c’est l’opportunité d’apprentissage pour le sujet qui influence sa réussite. Eviter flou et généralités dans les directives est donc un gage d’efficacité et de progrès.

Un enseignement qu’il convient de méditer quand il est question d’accompagnement du changement dans l’entreprise. Mesure d’impacts, valorisation des acteurs, définition d’objectifs aussi précis qu’accessibles, sensibilisation et pédagogie ad hoc : le management du changement comme vous l’avez toujours rêvé !

Référence : Bezuijen XM et al (2009), Pygmalion and employee learning : The role of leader behaviors, Journal of Management, 35, 5, 1248-1267, doi : 10.1177/0149206308329966
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samedi 12 décembre 2009

LaboCom >9< Quand pouvoir et incompétence rendent agressif…


L’image du manager incompétent préférant malmener ses équipes plutôt que d’assumer ses décisions fautives est si répandue qu’elle a peut-être quelques fondements dans la réalité…

Nathanael J. Fast et Serena Chen, professeurs de management pour l’un et de psychologie pour l’autre, à l’Université de Californie, ont mené quatre expériences distinctes pour essayer de comprendre les liens entre pouvoir et agressivité. Leur hypothèse de départ était celle de l’ego menacé : l’agression comme réaction de défense.

Dans l’une de ces expériences, des volontaires devaient au préalable préciser dans quelles situations passées ils se sont sentis puissants et compétents, ou au contraire impuissants et incompétents. Ce type de mise en situation ayant pour fonction de conditionner les sujets pour les rapprocher le plus possible des états mentaux analysés ; en l’occurrence, puissance/impuissance et compétence/incompétence.

Les mêmes volontaires devaient ensuite « punir » une personne ayant mal répondu à un test, par l’émission d’un son strident allant de 10 à 130 décibels. Les punisseurs les plus sévères (71 décibels en moyenne) se sont révélés être les personnes se percevant comme à la fois puissantes et incompétentes. Quand, dans une autre phase de l’expérience, les mêmes se sont vus récompensés pour leur niveau de compétence (donc rassurés sur ce qu’ils croyaient être leur faiblesse), l’intensité moyenne des “punitions” administrées a chuté. Ce n’est donc pas l’idée que son pouvoir est menacé qui est à l’origine des tensions relationnelles entre le manager et son équipe, mais bien l’idée qu’il n’est pas à la hauteur de son pouvoir.

Aux États-Unis, 54 millions de personnes s’estiment victimes de brimades infondées au travail… Et en France ?

Référence : Fast NJ, S Chen (2009), When the boss feels inadequate : Power, incompetence, and aggression, Psychological Science, e-pub, doi : 10.1111/j.1467-9280.2009.02452.x
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mercredi 9 décembre 2009

LaboCom >8< Croyez-moi, je ne sais pas de quoi je parle !

Plus l’information circule facilement, plus nous sommes confrontés à des sources d’expertise en nombre croissant. « Quels sont les facteurs qui rendent ces expertises plus ou moins influentes ? », se sont demandés Uma R. Karmarkar et Zakary L. Tormala, de l’Université Stanford.

Des volontaires ont été amenés à réagir devant trois types de jugements concernant la qualité d’un restaurant. L’émetteur du jugement était tantôt un novice, tantôt un expert ; le contenu du jugement, tantôt marqué par la certitude (positive ou négative), tantôt par l’incertitude.
Les volontaires se sont montrés plus sensibles et plus intéressés par la dissonance entre la source et le propos. En d’autres termes, un parfait novice qui s’exprime avec une forte conviction, et un expert reconnu qui manifeste une opinion empreinte de doute, se montrent les plus efficaces pour retenir l’attention et convaincre.

« Dans le contexte d’une analyse de produit ou de service, être confiant dans votre opinion ne signifie pas nécessairement que vous serez convaincant, concluent les auteurs. Paradoxalement, un expert pourra convaincre plus de gens s’il devient modeste ou admet l’incertitude de ses opinions ». Mais ils précisent : « Pour que toute cette attention soit payante en dernier ressort, il faut toujours avoir de bonnes raisons de soutenir ses opinions ». La meilleure stratégie d’influence finit toujours par se heurter au mur de la réalité…


Référence : Karmarkar UR, ZL Tormala (2009), Believe me, I have no idea what I'm talking about : The effects of source certainly on consumer involvement and persuasion, Journal of Consumer Research, e-pub, doi : 10.1086/648381

Nota :
cette information a été distribuée sur la liste de diffusion hebdomadaire de la société Inférences, LaboCom. Si vous souhaitez vous aussi recevoir nos analyses chaque mardi, en avant-première dans votre messagerie, contactez-nous pour être inscrit sur notre liste de diffusion.
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