mercredi 30 juillet 2008

GDF-Suez : un choc des cultures ?

par Charles Muller

Selon une dépêche Reuters, « le mariage de Gaz de France - qui était contrôlé par l'Etat - et du groupe privé Suez a eu lieu officiellement mardi après deux ans et demi de fiançailles, donnant naissance à un nouvel ensemble dont les activités gazières et électriques sont complémentaires. Il devrait générer un milliard d'euros de synergies opérationnelles à l'horizon 2013. Alors que les analystes financiers saluent la pertinence de l'opération au niveau géographique et des activités, certains estiment que la direction bicéphale du nouvel ensemble est intenable et que les différences culturelles rendront difficile la génération de synergies supérieures à l'objectif affiché. »

Il est intéressant de constater que les différences culturelles (culture du privé versus culture de l’Etat, culture généraliste de l’énergie et de lenvironnement contre culture spécialiste du gaz) sont d’ores et déjà perçues comme un obstacle à l’activité économique et à la valorisation financière. On en déduit que lors des travaux préparatoires de la fusion, qui ont duré plusieurs années, ces divergences culturelles n’ont pas été envisagées. Ou bien qu’elles ont été considérées comme inévitables. Ou encore comme secondaires. Trouver un langage commun, une culture commune, des valeurs communes ne semble pas posé comme un préalable en regard d’une logique économique et financière prévalente. On en voit finalement les conséquences : les analystes financiers ne se contentent plus de regarder la réalité des chiffres, mais aussi bien celles des hommes. Ce ne sont pas seulement les fondamentaux financiers qui permettent d'évaluer l'avenir d'un groupe, mais aussi bien son intégration culturelle.
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samedi 26 juillet 2008

Langage et entreprise : quels enjeux ?

par Jean Laloux

Les rôles désormais assignés à l'entreprise excèdent ceux de la simple production de biens, de services et de richesses. Elle est tout à la fois invitée à « produire du sens », à jouer le rôle d'intégrateur social après l'effacement des corps intermédiaires, à être éthique, solidaire, citoyenne, responsable, transparente… Parallèlement, l'entreprise est détentrice d'une somme considérable d'informations aux vocations les plus diverses : informer, expliquer, intégrer, former, faire changer, manager, séduire, argumenter… Un capital immatériel qui irrigue les fondamentaux de ses savoir-être et savoir-faire, mais dont elle néglige bien souvent la portée. Qu'il s'agisse de son identité et de ses valeurs, de son organisation et de ses métiers, de ses produits et services, de ses offres et savoirs spécialisés, l'entreprise possède sur tous ces sujets des contenus souvent épars, parfois inutilement pléthoriques et presque toujours hétérogènes, sur la forme comme sur le fond. Or, gérer des contenus, c'est gérer du langage et du discours, et donc poser un certain nombre de questions : quelle prise de parole cohérente face aux différentes parties prenantes (collaborateurs, clients, actionnaires, fournisseurs…) ? Quelle stratégie de communication pour lever les malentendus, éviter la dilution des messages, prévenir les contresens, valoriser une identité ou une culture… ? Quelles stratégies de discours pour faire mieux communiquer les métiers et les collaborateurs entre eux ? Quelle communication RH pour attirer les candidats potentiels et fidéliser les nouveaux entrants ? Quelle architecture des contenus pour diffuser de manière sécurisée et efficace une information sensible ou stratégique ? Etc.

Des solutions entre stratégies de communication et de discours
Pour répondre à ces questions, l’entreprise doit identifier les risques lexicaux auxquels elle est exposée. Ils sont tout à la fois dissonances entre le discours et l’action, incommunicabilité des langages spécialisés et généralistes, techniques et métiers, concrets et abstraits, locaux et internationaux, standardisés et différenciés… Pour protéger l’entreprise de ces risques lexicaux, elle doit désormais considèrer le langage comme un levier de performance de sa communication externe et interne, de sa relation clients, de sa gestion des RH.
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mardi 15 juillet 2008

Relation clients : les enjeux de communication écrite

par Jean Laloux

Le Minefi a récemment décidé d’engager un programme de sensibilisation de certains de ses collaborateurs à la grammaire, à l’orthographe ainsi qu’à la maîtrise des fondamentaux de la syntaxe. Cette louable initiative m’inspire cependant des sentiments contradictoires.
D’un côté, l’Etat se soucie de la manière dont ses agents maîtrisent leur langue à l’écrit. Bravo. Il se soucie de la manière dont sont perçus ses contenus informatifs et épistolaires. Encore bravo. Mais que révèle cette initiative, en apparence si sympathique ? Au vrai, deux choses : que le niveau de maîtrise de la langue dans les institutions est tout simplement dramatique ; que le milieu professionnel pallie l’échec retentissant d’un mode d’apprentissage de la langue dès le plus jeune âge.

Cette déconfiture, qui fait les beaux jours des formateurs en orthographe et en grammaire, affecte bien évidemment l’ensemble de la société comme elle affecte la communication des entreprises.

Amusant ou inquiétant ?
Me revient une anecdote vécue lors d’une mission chez un FAI. Les conseillers devaient, dans le cadre de la gestion de la réclamation clients, sensément transmettre les valeurs de l’entreprise à travers leurs discours écrit et oral. Exercice difficile, mais possible, qui exige une relative contiguïté avec les mots et leur sens. C’était évidemment sans compter l’adoption par certains collaborateurs du langage texto comme mode d’expression écrite ! C’est ainsi que des prouesses orthographiques insoupçonnées ont pu être découvertes. Par exemple, « il faut », orthographié « il fo » ! Ou comment ruiner les efforts d’une entreprise qui souhaite diffuser vers ses clients un positionnement, une identité singulière et des valeurs via un des points de contact les plus sensibles et les plus stratégiques avec le client. La gestion de la réclamation.

De la déploration au pragmatisme ou la fin de l’illusion de beau style

Trêve de lamentations inutiles, l’essentiel est ailleurs. La disparité du niveau de maîtrise de langue entre les individus ne date pas d’aujourd’hui, et le meilleur système d’apprentissage du monde n’y changera rien — ou pas grand-chose.

Du point de vue qui nous occupe, il y a plus intéressant. S’interroger sur la mise en place d’outils pérennes pour accompagner au quotidien les collaborateurs de l’entreprise en charge de la relation écrite clients. Objectif : exiger le plus haut niveau de qualité compatible avec des volumétries de traitement qui nous rapproche davantage de l’industrie — fût-elle tertiaire — que des salons de Mme de Sévigné.

La transaction langagière, support de la transaction commerciale

Les entreprises mesurent-elles toujours l'importance du langage dans la gestion leur relation client à l'écrit comme à l'oral ? La réponse varie selon les entreprises et les secteurs. Automobile, banque et assurance ne brillent pas par la proximité et l’empathie manifestées, alors même que la gestion des risques (médiatiques, juridiques, commerciaux) dans la réponse apportée au client n’est pas toujours parfaitement sécurisée. Gageons que la croissance très rapide de la gestion de la réclamation par mail ne va rien arranger…

Un enjeu de traduction d’identité

La préservation de l'image d'une entreprise passe, entre autres, par des critères d'expression écrite et orale. Les entreprises sont ainsi de plus en plus nombreuses à chercher à valoriser la qualité de leur contenu et de leurs discours en vue d’en faire un véritable levier de différentiation et de fidélisation.

Des solutions de bons sens… et de spécialistes du langage
Certains actes de langage qui relient l’entreprise à son client expriment une question ou une demande, d'autres une confirmation ou une réponse, d'autres encore une intention (promesse, menace), un désir ou un besoin (demande, ordre, prière), un plaisir (accueil d'un nouveau client, accord à une demande). Pour se repérer et trancher entre différents choix d'énonciation, des classifications permettent de sélectionner des actes de langage ad hoc.
Informer le client d'une décision ou d’une nouvelle offre de service ; lui expliquer le fonctionnement d'un produit, la présentation d'une facture ; le rassurer en cas de non-satisfaction ; s'excuser en cas d’erreur ou de dysfonctionnement responsable ; fidéliser le client churner ou celui qui manifeste l’envie d’aller voir ce qui se passe du côté de la concurrence, etc. Dans toutes ces situations de communication, le choix des mots, des formulations, des modalisations traductrices d'empathie, d'implication et de personnalisation sont décisives. Or, quel est le constat ? En dehors du terme d'accueil (Madame, Mademoiselle, Monsieur, Bonjour pour le mail) et une formule de politesse souvent inadaptée au contenu de la réponse, la structure et la syntaxe des courriers et des mails, comme des échanges téléphoniques, exige le plus souvent d'être revisitée, voire tout simplement définie.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur…
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jeudi 3 juillet 2008

Identité d’entreprise et ADN : une analogie contestable

par Jean Laloux

Lors d’un événement organisé par une entreprise cliente pour son encadrement et une partie de ses collaborateurs, il m’a été demandé de présenter la démarche par laquelle Inférences a défini une nouvelle identité en vue d’un repositionnement de marque,

Au moment des questions, la comparaison entre identité et ADN a immanquablement surgi, me donnant une belle occasion de revenir sur cette analogie aussi facile qu’inexacte.

L’identité au gré des évolutions de l’entreprise
L’identité d’une entreprise — comme celle d’une personne — est mouvante, labile et en devenir. La comparer à un ADN, c’est en avoir une représentation, certes structurante, mais figée, consistant à la définir comme une essence fondée sur des critères intangibles.

Or, l’identité est d’abord une substance dynamique, engagée dans une confrontation permanente avec tous les changements qui peuvent affecter l’entreprise : structurels, organisationnels, liés à une fusion-acquisition, à des rachats successifs, aux stratégies de diversification ou au contraire de reconcentration sur des cœurs de métier…

L’identité de l’entreprise est donc évolutive et varie au gré des attentes des clients, des tendances de fond de la société civile, des aspirations de toutes ses parties prenantes….

Un jeu de perceptions
Il existe bien sûr des marqueurs de l’identité qui permettent à l’entreprise de penser, d’agir, de tracer des lignes directrices, de donner des orientations, bref de véritablement manager par l’identité. Ces marqueurs sont à rechercher dans la vision des dirigeants, dans les missions et les engagements de l’entreprise, dans les contrats relationnels passés implicitement avec les parties prenantes. Néanmoins, la nature intrinsèquement évolutive de ces marqueurs interdit de les comparer à un hypothétique ADN de l’entreprise.

In fine, aborder l’identité d’une entreprise ce n’est pas rechercher des repères fixes et immuables. Mais bien plutôt suivre la transformation de ces repères dans le temps pour mieux garantir la singularité de l’entreprise prise dans un jeu complexe d’autoperception (identité souhaitée et vécue en interne) et d’alloperception (identité perçue à l’extérieur).

Si vous en doutiez encore, comparaison n’est pas — toujours — raison !
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