lundi 25 mai 2009

Storytelling et transfert de connaissances

par Charles Muller

On sait que le storytelling – « raconter une histoire » – a la côte comme technique de communication des institutions, des entreprises ou des personnalités de pouvoir. Mais ce principe de narration peut aussi être utilisé avec succès pour le transfert des connaissances au sein des organisations. C’est la conclusion à laquelle parviennent Shad Morris et James B. Oldroyd, dans la livraison de mai de la Harvard Business Review. Les deux auteurs ont étudié le système Smart Lessons mis en place depuis 2005 au sein l’International Finance Corporation, une institution chargée de promouvoir des investissements privés durables au sein de la Banque mondiale. Le principe en est simple : les managers font remonter des informations du terrain, sous forme de courtes histoires qu’ils publient sur un site Intranet. Les histoires les plus lues et recevant les meilleurs commentaires des autres collaborateurs sont récompensées. Après quatre années d’expérience, il en ressort que 80 % des employés d’IFC qui consultent les Smart lessons les trouvent pertinentes. Pour un groupe de 3 225 collaborateurs, les Smart Lessons sont consultées en moyenne 1 800 fois par mois et leur Intranet dédié est le plus consulté des 159 sites internes du groupe.

Référence :
Shad Morris, James B. Oldroyd (2009), To Boost Knowledge Transfer, Tell Me a Story, Harvard Business Review, mai
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mardi 5 mai 2009

Mots et valeurs dans la crise. Le regard de Nathalie Kosciusko-Morizet avec les yeux de TNS-Sofres

par Jean Laloux

Le 29 avril lors d’un colloque intitulé Les mots de la crise, Nathalie Kosciusko-Morizet, Secrétaire d’Etat chargée de la Prospective et du Développement de l’économie numérique, présentait une étude réalisée par TNS-Sofres. L’intérêt que nous avons nous-mêmes porté aux Mots de la crise nous a très naturellement décidés à nous rendre à ce colloque. Compte rendu.

Des mots affectionnés ou exécrés… et après ?
Construite en deux grandes parties, l’étude a suscité un commentaire acerbe de la part de Cédric Omet, journaliste à l’hebdomadaire Marianne, qui l’a comparée à un test du magazine Biba… Ce jugement à l’emporte-pièce, façon Marianne, n’en possède pas moins un fond de vérité. En effet, s’il n’y a pas grand-chose à dire sur la première partie de l’étude, consistant en un classique sondage d’opinion sur un sujet précis — en l’occurrence la crise et l’après-crise —, avec identification d’une typologie de sociotypes (5 dans le cas cette étude : « battants », « repliés », « rebâtisseurs », « réformateurs » et « sinistrés »), la seconde partie, dite sémiométrique, soulève plusieurs questions. En se proposant d’interroger des individus sur leur perception — positive, neutre ou négative — de 210 mots (par exemple, commerce, ambition, acheter, ruse, émotion lune, bleu, parfum, mystère, nation, héros…), on peut en effet se demander ce qui est au juste mesuré, hors la pure subjectivité des personnes sondées.

Vous avez dit prospective ?
Le sens que chacun d’entre-nous associe à des mots ouvre incontestablement une fenêtre sur nos représentations sociales, politiques et culturelles, sur nos schémas mentaux et de valeurs. Par conséquent, demander à des personnes de se prononcer sur leur degré d’adhésion ou de rejet d’un ensemble de mots est légitime et pertinent. Mais en quoi cette mesure nous donne-t-elle une information sur les mots proprement dits de la crise ? En quoi les 5 profils identifiés renvoient-ils à autre chose qu’à des traits psychologiques persistants dans la société française, crise ou pas ? Quelle information prospective nous livre ce sémiographe ? Quel intérêt cette photographie sémantique présente-t-elle pour le Centre d’analyse stratégique, commanditaire de l’étude ?

«Cette enquête est intéressante, car elle permet de voir une segmentation très forte dans les perceptions de la crise. Cette étude sémiométrique permet également de constater des évolutions dans la perception des valeurs» aurait expliqué un conseiller de la ministre. Doute. Au mieux, nous voyons dans cette étude la confirmation que la segmentation de profils psychologiques persistants reste active en période de crise, ce qui n’est évidemment pas la même chose. Quant au constat des évolutions dans la perception des valeurs nous pensons qu’il s’agit davantage de constater la distribution des valeurs actives dans la société française en période de crise que l’évolution des valeurs elles-mêmes.

Des interventions en demi-teinte
La présentation de l’étude s’est poursuivie par 3 tables rondes aux degrés d’intérêt très hétérogènes. Si les deux premières étaient incontestablement des invitations à la réflexion et à l’approfondissement — assistons-nous ou non à une crise de civilisation ? Sans doute exceptionnelle par son intensité, la nature de cette crise n’est–elle pas finalement d’une navrante banalité, conjuguant une fois de plus les effets de l'amnésie et de la cupidité ? —, la troisième, monopolisée par deux cadres de Google, était consternante. Se croyant sans doute à un quelconque salon IT, les duettistes se sont livrés à un numéro de communication marketing aussi creux que ridicule dans le contexte de ce colloque. Le directeur exécutif des Pages jaunes, également présent à cette table ronde, a donné, lui, l’impression de s’ennuyer ferme et de répéter sa dernière intervention en Comex ! Bref, une fin de colloque hors sujet et même un tantinet déplacée.

On remerciera toutefois Dominique Reynié, Jacques Marseille, Michel Guénaire, et Jean-Hervé Lorenzi, pour leurs interventions, même si elles n’ont pas permis de pousser plus avant la réflexion prospective que les auditeurs étaient en droit d’attendre du Centre d’analyse stratégique. Une analyse des effets potentiels de la crise, à moyen et long terme, aurait été la bienvenue. Les sujets de questionnement ne manquent pourtant pas : quels scénarii d’évolutions des lignes de fractures entre les représentations culturelles et sociales ? Quelles reconfigurations idéologiques faut-il ou non attendre de la crise ? Quel impact sur la communication interne et externe des entreprises ? Quelle évolution des capacités anticipatrices de la société européenne ? Entre autres…
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