mercredi 22 décembre 2010

Si je veux, quand je veux ! S’approprier une décision : le secret de la motivation

Selon une étude parue dans le Journal of Consumer Research, les individus valorisent plus aisément les décisions qu’ils ont choisies, ou auxquelles ils ont été associés, plutôt que celles qui leur ont été imposées ou pour lesquelles ils n’ont pas eu d’autres choix.

Ying Zhang, Szu-chi Huang (Université du Texas, Austin), Jing Xu et Zixi Jiang (Université de Pékin, Chine) ont procédé à quatre expériences différentes pour tester les variations de la motivation. Dans la première, des sujets pouvaient choisir le thème d’une tâche à effectuer quand d’autres devaient accomplir celle qui leur était directement confiée. Résultat : la persévérance des premiers s’est montrée nettement plus grande que celle des seconds.

Dans une autre expérience, des volontaires devaient s’investir dans deux actions environnementales : sauver des forêts ou économiser de l’énergie. La moitié des participants pouvait choisir leur engagement ; les participants de l’autre moitié devaient s’impliquer dans l’engagement qui leur était arbitrairement fixé. Là encore, ceux qui ont eu la possibilité de choisir ont présenté une motivation supérieure, une capacité à produire plus d’efforts pour parvenir au succès et ont également démontré une plus grande rigueur dans l’évaluation de leurs propres résultats !

De surcroît, et comme l’a démontré un autre test, cette tendance s’auto-entretient : « Quand des personnes croient avoir choisi de manière autonome de poursuivre un objectif, celui-ci leur paraît de plus en plus pertinent à mesure qu’ils consentent de plus en plus d’efforts ; l’effort constituant l’indicateur de la valeur de la motivation », notent les auteurs.

En marketing comme en management, ce trait cognitif peut être utilisé à bon escient : flatter l’autonomie de décision du consommateur ou du collaborateur aura plus d’efficacité pour l’inciter à choisir une marque ou à s’investir dans un projet.

Référence : Ying Zhang et al (2010), Been there, done that: The impact of effort investment on goal value and consumer motivation, Journal of Consumer Research, e-pub, doi 10.1086/657605
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mardi 14 décembre 2010

Les forts pardonnés… L’influence du pouvoir sur nos perceptions du succès et de l’échec

Nos représentations de la réussite et de l’échec (à un examen, dans la vie professionnelle, à une compétition sportive…) sont bien sûr médiées par des critères objectifs : une note obtenue, un objectif atteint ou non, un score ou un chrono réalisé… Mais elles dépendent aussi, et de manière moins évidente, du pouvoir réel ou symbolique attaché à la personne évaluée.

C’est ce que vient de montrer une étude réalisée par les professeurs Rocío Martínez Gutiérrez, Rosa Rodríguez Bailón et Miguel Moya, du département de psychologie sociale de l’Université de Grenade, auprès d’un échantillon de 142 étudiants en première année de psychologie. Plus un individu bénéficie de pouvoir, réel ou symbolique, plus ses efforts sont valorisés y compris quand il échoue ; et en pareil cas, son échec est minoré. Au contraire, plus le capital de pouvoir d’un individu est faible, plus l’échec est souligné et corrélé à une incompétence consubstantielle.

Ainsi donc, notre appréciation de la performance et du potentiel d’un individu dépendrait en partie de la place que nous lui attribuons dans une hiérarchie. En clair : on pardonne plus aisément aux forts qu’aux faibles. Cette tendance peut par conséquent biaiser le caractère objectif d’une évaluation.

Cet enseignement n’est pas neutre sur le management des organisations. Ces dernières pourraient en effet envisager à nouveau frais l’évaluation de leurs collaborateurs en intégrant le contrôle attentif de ce « biais de pouvoir » dans la mesure de la réussite / de l’échec ou dans l’imputation des responsabilités d’une stratégie économique ou d’un projet d’entreprise.

Référence : Martínez Gutiérrez R, Rodríguez Bailón R, Moya M (2010), ¿Por qué tienen éxito y fracasan las personas con poder y sin poder? Poder y atribuciones de control / Why do people with and without power succeed or fail? Power and control attributions, Universitas Psicológica, 9, 1, 57-66
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mardi 7 décembre 2010

A la recherche du gai savoir. Les “jeux sérieux” : enjeux de formation et de communication du changement

Pour certains, les « jeux sérieux » sont un oxymore ; mariage contre-nature entre la futilité et la gravité, le divertissement et le savoir, la facilité et l’effort. Pourtant, ces serious games sont en vogue depuis quelques années : l’école, l’entreprise, l’administration ou l’armée utilisent de plus en plus le jeu pour instruire, former ou informer.

Les travaux les plus récents en sciences de la cognition et du comportement soulignent les vertus de ce « gai savoir » en montrant que le jeu constitue un levier pédagogique de premier ordre pour mieux apprendre, mieux comprendre et mieux retenir.

Une étude réalisée en octobre 2010 par Traci Sitzmann, professeur en science de gestion à la Bussiness School de l’Université du Colorado à Denvers, vient en effet de confirmer l’intérêt des « jeux sérieux » interactifs dans les dispositifs pédagogiques d’apprentissage. Portant sur l’évaluation de 65 de ces jeux, et regroupant les données recueillies auprès de 6 476 participants, les conclusions de ce travail sont sans équivoque : comparé à des groupes tests formés par des techniques traditionnelles, les groupes d’individus ayant bénéficié d’une formation incluant des jeux sérieux présentent, en moyenne et dans la durée, un niveau de connaissance supérieur de 11 %, une maîtrise des compétences de 14 % plus élevée ainsi qu’un taux de mémorisation supérieur de 9 %.

Selon le professeur Traci Sitzmann, ces résultats sont attribuables au fait que les jeux sérieux, en rendant l’apprenant acteur de son apprentissage et non plus passif face à la réception d’un savoir, sont intrinsèquement motivants.
 
Mais attention, il ne suffit cependant pas d’utiliser un jeu sérieux pour résoudre toutes les difficultés inhérentes à la gestion des connaissances dans une organisation : 16 % des jeux analysés par Traci Sitzmann n’ont présenté aucun bénéfice pédagogique particulier comparé à des méthodes traditionnelles…

L’esprit humain, surtout adulte, est rétif aux changements rapides de ses habitudes cognitives. Cabinets de conduite du changement et directions de la communication interne l’éprouvent au quotidien. De même, la répétition propre à l’acquisition durable de toute connaissance est perçue comme ennuyeuse… alors qu’un joueur répète couramment les mêmes routines sans y prendre garde. En cherchant à associer l’efficacité de l’apprentissage à l’intensité de la motivation, les jeux sérieux offrent une solution de gestion, de valorisation et d’acquisition des connaissances par l’individu. Un nouvel âge pour les outils de formation et de communication interne est en train d’émerger, et cet âge sera ludique !

Référence : Traci Sitzmann (2010), Study shows video games highly effective training tools. Employees learn more, forget less, master more skills, Business School of the University of Colorado Denver's.
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mardi 30 novembre 2010

Mort d’un visionnaire. La leçon d’économie de Mandelbrot (1924-2010)

Esprit original et indépendant, comme sa discipline en produit souvent, il avait réussi à être connu d’un assez large public… chose rare pour un mathématicien ! Cette reconnaissance venait de sa théorie des fractales à laquelle son nom restera attaché.

Qu’ont de commun une côte littorale, un flocon de neige, un morceau d’Appenzeller, un chou Romanesco ou un cours boursier ? Ils présentent tous une “homothétie d’échelle” ou “auto-similarité”. Cela signifie, par exemple, qu’une forme géométrique présente, à différents niveaux de sa structure, des formes et des motifs identiques. Un objet fractal c’est donc comme une gigogne dont une partie révèle le tout, ou le tout révèle les parties.

Très tôt, Mandelbrot a appliqué sa théorie à l’économie, et à la finance en particulier. La construction de la théorie fractale lui est en effet venue d’une interrogation antérieure, et plus large, sur la manière dont la science envisage la notion de hasard et rend compte des événements “extrêmes”. La tendance d’un chercheur, surtout en sciences appliquées, est généralement d’identifier des moyennes ; au risque d’écarter les phénomènes “extrêmes” (ou “hors-norme”) de son champ d’analyse. Or, l’économie est précisément un terrain privilégié pour de telles réductions.

La structure fondamentale des modèles financiers dérive en effet du modèle du mouvement brownien, qui avait inspiré les travaux précurseurs du Français Louis Bachelier au XIXe siècle : les fluctuations autour du cours moyen sont comme des particules ayant une probabilité identique de déplacement. Si les cours boursiers ont plutôt des propriétés fractales, comme Mandelbrot l’a montré en étudiant sur le long terme les cours du coton, l’« hypothèse de normalité » issue du modèle brownien (ou gaussien) ne tient pas : les événements “extrêmes” sont plus fréquents qu’on ne le pense et la régression à la moyenne n’a donc guère d’utilité descriptive et moins encore prédictive.

Après avoir suscité une grande curiosité, “l’hypothèse fractale” avait été mise à l’écart dans les années 1970 et 1980, quand triomphait un modèle financier standard prétendant avoir dompté le “hasard sauvage”. Depuis les années 1990 et 2000, nettement plus turbulentes pour les cours mondiaux, cette hypothèse retrouve tout son intérêt. Les best-sellers de l’analyste financier sceptique et disciple de Mandelbrot, Nassim Nicholas Taleb, en témoignent largement.

Par une ironie cruelle dont l’histoire a le secret, Benoît Mandelbrot est décédé peu après l’une des plus importantes crises financières de l’histoire du capitalisme, qui a montré le bien-fondé de ses doutes sur le modèle standard d’anticipation du comportement des marchés.

Reste à savoir si nous retiendrons la leçon de Mandelbrot…

Références : Mandelbrot B. (2005, nouvelle ed. 2009), Une approche fractale des marchés. Risquer, perdre et gagner, Odile Jacob ; Mandelbrot B. (2009), Fractales, hasard et finances, Champs-Flammarion ; Taleb N.N. (2008), Le cygne noir. La puissance de l’imprévisible, Belles-Lettres ; Taleb NN (2009), Le hasard sauvage. Comment la chance nous trompe, Belles-Lettres.
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mardi 23 novembre 2010

Etes-vous un hipster ? Les mythologies rebelles à l’épreuve de la culture commerciale

Yuppies, métrosexuels, gangstas, hipsters… peut-être n’êtes-vous pas au fait des innombrables tribus de nos temps post-modernes, mais sachez pourtant que les jeunes générations baignent dedans. Ces labels (et bien d’autres) constituent pour elles des mythologies personnelles.

A dire vrai, les marques, qui recyclent en permanence des icônes de la pop-culture, s’en sont rendu compte depuis bien longtemps. Mais parfois, la forte attraction d’un label teinté de marginalité et d’audace s’effondre quand il devient un symbole de la culture commerciale mainstream.

Zeynep Arsel et Craig J. Thompson ont ainsi étudié l’évolution de la tribu hipster, qui a connu une ascension puis un déclin aux Etats-Unis au cours de la décennie 2000. Sachez qu’un hipster, au départ amateur de jazz et de bebop des années 1940, désigne en 2010 un jeune urbain branché et argenté se piquant d’une consommation de produits originaux et indépendants (musique en particulier, mais aussi tout bien de consommation).

Arsel et Thompson montrent que ces consommateurs ont rejeté l’étiquette hipster quand elle a commencé à être instrumentalisée commercialement, travestissant ainsi leur appartenance clanique en un simple stéréotype de consommation. Du coup, le label « hipster » a perdu de son attractivité, et la minorité active qui s’en réclamait s’est détournée de sa “tribu” d’origine.

Cette autonomie des consommateurs et leur capacité à défier les stéréotypes ne facilitent certes pas la tâche du « marketing tribal et rival » : les signes, icônes et symboles doivent être maniés avec quelques précautions…

Référence : Arsel Z, Thompson CJ (2010), Demythologizing consumption practices: How consumers protect their field-dependent identity investments from devaluing marketplace myths, Journal of Consumer Research, e-pub, doi : 10.1086/656389
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mercredi 17 novembre 2010

Words, words, words… Peut-on détecter les mensonges d’un dirigeant ?

« Un flux très soutenu de clients », « un environnement d’échange très robuste »… ainsi s’exprimait à propos de son activité Erin Callan, le CEO de Lehmann Brothers, en mars 2008. On connaît la suite.

David Larcker, chercheur à l’Université Stanford, et Anastasia Zakolyukina, l’une de ses étudiantes en MBA, se sont livrés à une substantielle analyse du discours des dirigeants d’entreprise. Ils ont délaissé les rapports financiers trimestriels, dont le langage est très formaté et le contenu souvent lissé par les départements juridiques, pour leur préférer des entretiens téléphoniques directs – près de 30 000 au total – menés sur le long terme (plusieurs trimestres par dirigeant).

Larcker et Zakolyukina sont partis du principe suivant : si l’entreprise publiait une correction à la baisse sur les prévisions du rapport trimestriel précédent (10 % des cas), le dirigeant était probablement au courant du redressement à venir lors de l’entretien téléphonique. Par quoi leurs propos se caractérisent-ils dans ces conditions ?

Plusieurs éléments de langage semblent singulariser le dirigeant qui souhaite tromper la confiance de son interlocuteur sur la robustesse de ses résultats. Par exemple, il emploie plus fréquemment des formules dilatoires destinées à renforcer la crédibilité sans donner d’information réelle (« comme vous le savez sans doute »), moins fréquemment la première personne et l’auto-référence (sans doute inconsciemment pour ne pas s’approprier une proposition douteuse). Autre signe incitant à la suspicion : la présence de superlatifs positif(« formidable », « exceptionnel »).

Comme le rappelle David Larcker, ces données ne sont que des préliminaires : « Nous avons des résultats, mais il reste beaucoup de travail à accomplir. L’idée d’analyser le langage pour comprendre le comportement est un domaine de recherche très actif et demande des compétences variées ».

 
Référence : Larcker, David F. and Zakolyukina, Anastasia A., Detecting deceptive discussions in conference calls (2010), Working Paper, 83, Rock Center for Corporate Governance, Stanford University.
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Le jour de paie est arrivé… Les méandres de la motivation du consommateur

Notre comportement est-il affecté par la proximité de la paie ? Il semble bien que oui.

Himanshu Mishra (Université de l’Utah) et ses collègues ont testé les attitudes des consommateurs selon qu’ils venaient, ou étaient sur le point, de percevoir leur salaire, ou bien au contraire étaient assez loin de cette perspective. Cette étude semble montrer que les motivations dominantes des individus varient selon la plus ou moins grande proximité avec le versement du salaire.

Ainsi, deux attitudes ont été testées à partir d’un choix possible entre deux offres comparables : l’une insiste sur l’action (par exemple, programme de fitness suggérant de s’entraîner pour avoir une meilleure santé) ; l’autre, sur la prévention (programme de fitness indiquant comment éviter certains aliments pour ne pas détériorer sa santé). Résultat : plus on est proche de la paie, plus on est séduit par des messages qui nous portent à l’action et à l’engagement. Inversement, plus la disponibilité d’argent s’éloigne, plus nous sommes sensibles à des messages nous incitant à adopter des comportements préventifs.

Les auteurs concluent que ces résultats pourraient avoir des implications en marketing et management, notamment en matière de recherche de la meilleure adéquation entre la diffusion d’un message (obtenir un gain ou éviter une perte) et le choix du moment.

Référence : Mishra H, Mishra A, Nayakankuppam D (2010), How salary receipt affects consumers' regulatory motivations and product preferences, Journal of Marketing, 74, 5.


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lundi 8 novembre 2010

Octobre noir : quand la blogosphère prédit la radicalisation de la rue

Après l'analyse de la réforme des retraites sur Twitter (épisode 1), Inférences analyse avec Doxoweb la parole syndicale exprimée dans la blogosphère. 

Le mois d’octobre 2010 restera comme l’une des plus importantes mobilisations social des 20 dernières années. Pouvait-on anticiper cette radicalisation en analysant le discours des syndicats sur la blogosphère ? Certains signaux faibles (montée de l’expression de la colère et mise en avant de la mobilisation) permettent de répondre par l’affirmative.

Doxoweb s’est intéressé à la principale actualité sociale de la rentrée 2010 : la contestation syndicale de la réforme des retraites. La méthode d’analyse a consisté dans un premier temps à extraire du discours syndical les principales familles d’opinion négative et les mots-clé de la contestation ; dans un second temps, à mesurer les signaux faibles montrant une courbe significative entre avril et septembre.

Du 1er avril au 30 septembre, les conversations, messages et articles comportant le mot-clé « retraites » ont été extraits du web syndical – sites et blogs influents parmi 764 sources, toutes organisations syndicales confondues. L’ensemble représente un corpus d’environ 135 000 mots. Le contenu sémantique de ces messages a été analysé en
traitement semi-automatisé du langage, en mode global (tous textes confondus) et en mode chronologiquement segmenté (analyse des évolutions d’opinion dans le temps, trois périodes 1er avril au 15 mai, 16 mai au 30 juin, 15 août au 30 septembre).
Il en ressort les 5 enseignements suivants :
  • 7 familles lexicales du registre négatif sont particulièrement déployées par les syndicats : injustice, colère, dépréciation, échec, frein, anxiété et danger
  • le vocabulaire du conflit occupe une présence forte et constante sur toute la période (3 %)
  • le registre de la colère montre une croissance régulière de début avril à fin septembre, triplant ses occurrences dans le discours syndical (de 1,92 à 5,92 %) 
  • le mot-clé de la mobilisation connaît une courbe similaire (de 2,60 à 7,09 %
  • la polarité globale négative grimpe à 71 % juste avant l’été et se maintient à ce niveau très élevé à la rentrée.

Doxoweb est une offre conjointe des sociétés Adverbe et Inférences.  
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mardi 2 novembre 2010

La Bourse et l’avis. Marchés financiers et humeur des réseaux sociaux

Twitter, dont l’usage est fort répandu aux Etats-Unis, fait l’objet d’une attention croissante des chercheurs : ses courts messages (les « tweets » de 140 signes) représentent en effet une masse énorme de données pour tenter de déchiffrer l’évolution des opinions et ses corrélations avec des événements de la vie politique, économique ou sociale.

Trois chercheurs de l'université de Bloomington (Johan Bollen, Huina Mao, Xiao-Jun Zeng) se sont intéressés aux rapports entre Twitter et les cours de la Bourse. Ils ont comparé deux séries de données : les opinions exprimées dans près de 10 millions de twwets émis entre février et décembre 2008 d’une part, la valeur du principal indice américain (Dow Jones Industrial Average) sur la même période, d’autre part.

Les opinions sur Twitter ont été interprétées par deux outils : Opinion Finder, qui se contente de donner une tonalité positive ou négative, Google Profile of Mood States, qui interprète six états d’esprit à partir du lexique des tweets.

Résultat de l’analyse : la proportion des messages à humeur calme extraite par le Google Profile of Mood States permet de prédire dans 87,6 % des cas l’évolution du cours en Bourse quelques jours plus tard. Cette corrélation est robuste sur la période étudiée, mais les chercheurs n’avancent aucune hypothèse sur les liens causaux entre les deux phénomènes.

Twitter étant sur-représenté chez les décideurs et relais d’opinion, il n’est pas absurde de penser que les opinions véhiculées par ce réseau de micro-blogging permettent de mesurer un « instantané » de l’humeur du moment chez cette population, à condition bien sûr de travailler sur un volume important de données.

Il est dommage que les outils employés restent assez rudimentaires. Le Profile Mood of States est à l’origine un test de psychologie médicale, et ses six paramètres ne couvrent pas de manière très fine le spectre des états cognitifs du sujet humain. A titre de comparaison, la solution DowoWeb co-développée par Inférences analyse 35 types de sentiments et d’arguments présents dans les discours en ligne.

Référence : Bollen J, H Mao, XJ Zeng (2010), Twitter mood predicts the stock market, arXiv: 1010.3003v1 [cs.CE], 14 octobre.
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samedi 30 octobre 2010

Inférences et DoxoWeb font parler d'eux

Dans son édition du 20 octobre 2010, strategies.fr se fait l’écho de la dernière étude Inférences consacrée à l’analyse des opinions exprimées sur Twitter sur la réforme des retraites.
Publié à l’occasion du salon SEMO 2010, dans un dossier consacré aux études marketing, l’article intitulé Twitter : parler peu pour dire beaucoup revient sur notre outil DoxoWeb, co-développé avec le cabinet Adverbe. Rappelons ici que le volet sémantique de cet outil est le résultat de 5 années de travail et d’études, dont les résultats empiriques permettent aujourd’hui de déterminer la polarité d’un discours (positive ou négative) mais aussi sa valence (basse ou haute intensité).
Un second volet de cette étude est actuellement en cours de rédaction et paraîtra début novembre. Il concernera notamment la question de la prédictibilité : peut-on anticiper un comportement ou un événement en analysant l'évolution d'un discours ?
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LaboCom >44< Les bonnes personnes au bon moment. Innovations marketing et réseaux sociaux

Certains produits nouveaux se répandent comme une traînée de poudre (l’iPhone d’Apple), d’autres mettent longtemps à dépasser le micromarché confidentiel des avant-gardistes (le Kindle d’Amazon). Peut-on influencer la réputation et la vitesse d’acquisition d’un produit ?

Cette question ancienne trouve une réponse nouvelle à l’âge du web social. Jon Bohlmann et ses deux co-auteurs viennent ainsi de montrer dans un papier de recherche que si le réseau social est la voie royale pour diffuser une innovation et encourager l’imitation, la structure du réseau est déterminante pour le succès de l’opération.

La topologie des réseaux varie en effet selon le nombre de personnes connectées, la structure de leurs liens, le poids des nœuds du réseau et le poids des membres influents (proportion et cohérence des suiveurs et suivis au sein du réseau). En d’autres termes, un « réseau social » ne signifie pas grand-chose, il y a plusieurs types de réseaux sociaux dont certains seulement sont adaptés au marketing de l’innovation – ceux qui disposent de nœuds importants entre un premier émetteur-influenceur et ses contacts, à la différence de ceux dont les liens sont répartis sans nœuds importants, donc sans influence notable.

Le Web 2.0 apparaît à beaucoup d’entreprises comme une manne potentielle, à l’âge où le consommateur est devenu méfiant et le client hésitant, et il peut certainement l’être. Mais à condition de ne pas s’aventurer sur ces territoires inconnus sans un minimum de connaissance et de réflexion sur leur cartographie.

Référence : Bohlmann J, Calantone R, Zhao M (2010), The effects of market network heterogeneity on innovation diffusion: An agent-based modeling approach, Journal of Product Innovation Management, 27, 5, 741-760, doi :10.1111/j.1540-5885.2010.00748.x
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mercredi 20 octobre 2010

LaboCom >43< La biodiversité, c’est pour les autres… Variations internationales du discours sur le développement durable

The Economics of Ecosystems and Biodiversity (TEEB) est une initiative internationale centrée sur l’économie de la biodiversité. Elle a publié l’été dernier un rapport intéressant sur l’attitude des chefs d’entreprise face à cette question.

Il en ressort ainsi que 50 % des chefs d’entreprise en Amérique latine et 40 % en Afrique voit le déclin de la biodiversité comme un challenge pour leur métier ; ils sont moins de 20 % en Europe ! Au global, si les décideurs économiques sont sensibilisés au problème (60 à 90 % en reconnaissent la réalité), ils sont encore minoritaires à l’intégrer dans leur stratégie…

Ce résultat recoupe ce que le cabinet Inférences avait observé en début d’année dans son étude consacrée au discours corporate des entreprises françaises sur le Développement durable (DD). Si celles-ci se montrent très sensibles aux questions sociales et économiques, elles le sont nettement moins aux dimensions environnementales et sociétales du DD.

La biodiversité renvoyant à un « capital naturel » difficile à quantifier, elle n’est pas au pinacle des préoccupations entrepreneuriales. A cela s’ajoute que chaque pays aborde ces questions en fonction de son héritage culturel – la France, en particulier, étant plus marquée par les luttes sociales que par les engagements environnementaux.

Référence : TEEB (2010), The Economics of Ecosystems and Biodiversity for Business, juillet. Téléchargeable sur le site TEEB : www.teebweb.org
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mercredi 6 octobre 2010

LaboCom>42< 60 millions de consomm-acteurs. La gestion de la relation client à l’âge d’Internet


Dans un intéressant article de synthèse, Thorsten Henning-Thurau et six collègues d’universités allemandes font le point sur la relation client à l’âge d’Internet, et plus particulièrement du Web social 2.0.

Aujourd’hui, chaque individu peut devenir auteur sur Wikipedia, prescripteur sur Facebook ou Twitter, critique sur Kelkoo ou Amazon, revendeur sur eBay, et utiliser les milliers de centrales d’achat, sites de partage et autres blogs personnels pour exprimer opinions, sentiments, préférences…

Ce qui était encore marginal au début des années 2000 devient incontournable à l’orée de la décennie 2010 ; et cette tendance devrait encore s’accentuer. Plusieurs éléments permettent de le prédire :
  • les nouveaux moyens d’expression et de communication sont plébiscités par les jeunes générations ;
  • l’expression ubiquitaire et universelle du consommateur ou du client sera renforcée par l’évolution technologique – mobiles 3G et 4G, tablettes, netbooks ou autres microportables permettant d’être connectés 24 heures sur 24 ;
  • le « web sémantique » devrait rendre de plus en plus aisés l’indexation de l’information et son accès, comme la géolocalisation devrait renforcer les liens du web social.
Il n’y a pas de « recette miracle » pour repenser la gestion de sa relation client, d’autant que ces nouveaux médias se caractérisent par une évolution très rapide : un terminal, un site ou une application inconnus peuvent devenir la référence en quelques années, voire quelques mois ; des millions d’expressions dispersées (many-to-many) défient désormais la logique de contrôle et d’influence des canaux traditionnels de communication (one-to-many). Analyser l’expression des consomm-acteurs sur le web va devenir un enjeu de la relation client.

Un enjeu d’importance, puisque chacune de ces expressions contribue à construire la réputation et la notoriété d’une marque, d’une entreprise, d’un bien ou d’un service. De plus, le consomm-acteur a pris goût à cette expression directe et comprend de moins en moins les entreprises (ou les institutions) qui restent sourdes à ses messages. Pour les mentalités collectives, c’est un pas supplémentaire dans la logique de démocratisation et d’individualisation qui caractérise la modernité.

Référence : Hennig-Thurau T. et al (2010), The impact of new media on customer relationships, Journal of Service Research, 13, 3 311-330, doi: 10.1177/1094670510375460
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mardi 28 septembre 2010

LaboCom >41< A propos d’une nouvelle étude Inférences : donner du sens aux flux d’information


Le web social a connu une progression rapide depuis le milieu des années 2000, qu’il s’agisse de sites communautaires comme Facebook ou de microblogging comme Twitter. Ses usagers l’utilisent de plus en plus souvent pour exprimer leurs opinions sur l’actualité du moment, sur leurs expériences quotidiennes, sur leurs choix de consommation ou de style de vie.

Gérer la sémantique des flux
Cette information abondante, potentiellement infinie, constitue désormais un enjeu majeur de la communication institutionnelle (et produits) des organisations. Entreprises et institutions avaient en effet pour habitude d’émettre des messages vers leurs cibles (one-to-many) ; elles sont désormais – ainsi que leurs propres cibles – destinatrices involontaires de messages innombrables qui participent à la construction de leur notoriété et de leur réputation (many-to-one et many-to-many).

Complexe, la maîtrise de ces flux massifs d’information peut cependant constituer une opportunité pour sélectionner, analyser et exploiter des données stratégiques concernant son image. C’est précisément l’enjeu des spécialités à  préfixes en « e- » ayant fleuri depuis quelques années : e-réputation, e-notoriété, e-marketing, etc.

Pour gérer le flux et s’y insérer, il faut cependant disposer des bons outils. Si l’information est devenue abondante et gratuite, le temps est devenu rare et cher : personne ne peut compulser des giga- ou des terabytes de textes pour en extraire les signaux pertinents ; nous sommes donc obligés de construire des filtres pour identifier les informations qui méritent notre attention.

Plusieurs études nord-américaines (dont certaines ont été commentées en détail dans Labocom) ont déjà montré que Twitter est un outil fiable d’analyse de l’opinion publique dans le domaine de la confiance des consommateurs (O’Connor 2010), des sentiments à l’égard des marques (Jansen 2009) ou encore pour prédire le succès ou l’échec d’un film (Asur 2010).

Inférences, en collaboration avec le cabinet Adverbe, a testé son nouvel outil DoxoWeb sur le Twitter français, en choisissant un sujet d’actualité politique et sociale : la réforme des retraites. Nous vous laissons découvrir le résultat sur ce lien http://www.inferences-conseil.com//PDF/EtudeRetraite1TwitterOK.pdf

Utiliser des savoir-faire ad-hoc
Il paraît utile, dans le cadre de notre Labocom hebdomadaire, d’insister sur les contraintes pesant sur ce type d’exercice. On voit en effet fleurir depuis quelque temps déjà des annonces évoquant « web sémantique » ou « veille stratégique » : ces offres alléchantes ne tiennent hélas que rarement leurs promesses.

Toute la difficulté réside en effet dans le tri efficace des informations pertinentes pour la problématique étudiée parmi le bruit de fond important des messages n’exprimant aucune opinion particulière. Or, la qualité de ces filtres tient avant tout à la rigueur des outils de linguistique mobilisés et à la cohérence de leur cadre sémantique. L’outil DoxoWeb, dérivé de quatre années d’analyse quantitative et qualitative de corpus, a permis de dégager des régularités dans l’usage des champs lexicaux et sémantiques relayés par la communication des organisations.

Pour donner un exemple concret, la seule catégorie des qualifications morales d’une situation (« est-ce juste ou injuste ? ») correspond à un lexique spécifique d’environ 450 mots (adjectifs, substantifs, adverbes, verbes, formules idiomatiques) classés selon leur polarité (positif ou négatif) et leur valence (haute ou basse intensité). Et la morale n’est qu’un exemple, puisque le traitement semi-automatisé du langage en vue d’extraire des opinions exige de prendre en considération toutes les catégories du jugement humain, que celles-ci soient performatives, cognitives, émotives, esthétiques ou éthiques.

Références
  • Adverbe / Inférences (2010), La réforme des retraites vue du Web (1) : Twitter soutient-il le gouvernement ou les syndicats ?, études DoxoWeb.
  • Asur S, BA Huberman (2010), Predicting the future with social media, Social Computing Lab, HP Labs, Palo Alto,
  • Jansen BJ, M. Zhang, K Sobel A Chowdury (2009). Micro-blogging as online word of mouth branding. Proceedings of the 27th international conference extended abstracts on Human factors in computing systems - CHI EA ’09, p. 3859.
  • O'Connor B, R Balasubramanyan, BR Routledge, NA Smith (2010), From tweets to polls: Linking text sentiment to public opinion time series, Proceedings of the International AAAI Conference on Weblogs and Social Media, Washington, DC.
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mardi 21 septembre 2010

Une nouvelle étude Inférences / Réforme des retraites : Twitter soutient très majoritairement les syndicats !


Depuis plusieurs années, le réseau de microblogging Twitter est utilisé aux Etats-Unis pour réaliser des enquêtes d’opinion sur des personnalités politiques, des marques, des sorties de film ou de disques. Les tweets (messages sur Twitter) envoyés spontanément par les internautes se sont révélés des outils très fiables d’analyse et de prédiciton, généralement en accord avec les sondages classiques.

Pour la première fois, Inférences, en collaboration avec la société Adverbe spécialisée dans l'e-réputation et le community management, a utilisé son outil DoxoWeb – spécialement développé pour analyser les opinions sur le web – sur un thème brûlant de l’actualité : la réforme des retraites. 

Près de 1 000 tweets ont été extraits entre le 30 août et le 17 septembre, soit une semaine avant et après la première mobilisation syndicale du 7 septembre dernier.

Les signaux émergents des tweets sont à nette dominante négative : registres de la colère et du conflit, du danger et de l’anxiété, ainsi que de l’immoralité (caractère inique de la réforme). 

La présence remarquable du vocabulaire de la mobilisation et du conflit ainsi que la référence dominante aux syndicats dans le vocabulaire politique indique que le réseau Twitter est plutôt en accord avec les revendications antigouvernementales.


 
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LaboCom >40< Des valeurs culturelles aux valeurs d’entreprises : la dimension implicite


Voici trente ans tout juste, Geert Hofstede publia un livre qui eut par la suite une énorme influence sur le management (Hofstede 1980). Fondé sur une vaste enquête internationale – notamment 116.000 sondages auprès de 88.000 employés d’IBM dans 72 pays –, cet ouvrage s’attachait à cerner les facteurs culturels influençant la vie dans l’entreprise.

Hofstede proposa une échelle des valeurs sur quatre axes :
  • Individualisme-collectivisme (i.e degré auquel un employé agit d’abord comme individu ou comme membre d’un groupe)
  • Distance au pouvoir (i.e niveau d’acceptation d’un pouvoir inégalement réparti dans l’organisation ou l’institution)
  • Evitement de l’incertitude (i.e réponse de la société face à des situations menaçantes, incertaines ou ambiguës)
  • Masculinité-féminité (i.e domination masculine ou féminine dans les valeurs directrices du groupe).
En simplifiant, cette échelle suggère de s’intéresser au poids du contexte culturel dans les rapports de l’individu au groupe, au pouvoir, au risque et au genre.

Ces quatre axes, notamment le premier, ont donné lieu à des milliers d’études empiriques. A l’occasion du trentenaire de la parution de l’opus de Hofstede, trois chercheurs nord-américains – Vas Taras, Bradley L. Kirkman et Piers Steel – ont entrepris une méta-analyse critique de 598 travaux (200.000 individus concernés) utilisant son échelle des valeurs culturelles.

Il en ressort notamment que ces valeurs culturelles ont moins d’influence que les différences interindividuelles sur certains aspects (par exemple, absentéisme, recherche de performance, turnover), mais qu’elles sont prédominantes dans d’autres champs de la vie de l’entreprise : attachement à l’organisation, identification au groupe, comportement citoyen, attitudes dans le travail d’équipe. Par ailleurs, ces valeurs culturelles ont en moyenne plus d’influence chez les managers et les cadres, les seniors, les hommes et les personnes plus éduquées. Enfin, plus que les performances elles-mêmes, les valeurs culturelles pèsent sur les émotions, attitudes et comportements développés par l’individu sur son lieu de travail.

Aujourd’hui, la plupart des nations sont pluriculturelles et cette question de l’arrière-plan imaginaire et axiologique des individus ne concerne plus seulement le top-management des multinationales. De même, les anciennes cultures nationales et religieuses assez homogènes sont doublées de nombreuses cultures « tribales ». Une entreprise confrontée à des problèmes d’organisation, d’intégration ou de motivation gagnerait donc à établir un diagnostic culturel parmi la panoplie des remèdes à sa disposition.

Références : Hofstede, G. (1980a), Culture's Consequences: International Differences in Work-Related Values, Beverly Hills, Sage Publications. Examining the Impact of Culture's Taras V et al (2010), Consequences: A three-decade, multilevel, meta-analytic review of Hofstede's cultural value dimensions, Journal of Applied Psychology, 95, 3, 405-439, doi:10.1037/a0018938
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mardi 14 septembre 2010

LaboCom >39< Les signatures de marques sont-elles contre-productives ?

On appelle « effet d’amorçage » – priming effect en anglais – la capacité d’un mot, d’une image ou d’un son à induire certains comportements chez le récepteur. Cet effet est très utilisé en marketing, notamment en publicité. Il en constitue même un des fondements psychologiques.

Mais les spécialistes de la marque le savent bien : rien n’est plus difficile que de capter l’esprit du consommateur et de provoquer ensuite un comportement souhaité.

Juliano Laran (Université de Miami), Amy N. Dalton (Université de Hong Kong) et Eduardo B. Andrade (Université de Californie, Berkeley) viennent de le confirmer par cinq expériences aux résultats convergents. Ils ont observé que le nom de marque provoque généralement un effet d’amorçage cohérent (attendu), mais que le slogan associé produit le contraire. Par exemple, les consommateurs exposés à « Walmart » sont majoritairement dans un état d’esprit d’économie et de produits pas chers, ce qui se retrouve dans leur caddie. Mais quand ils sont exposés au slogan de Walmart (« Save money, live better »), l’effet d’amorçage se bloque et les consommateurs se montrent au contraire plus hésitants dans leurs achats.

Plus étonnant : les trois chercheurs ont vérifié que cette résistance du consommateur fonctionnait aussi en image subliminale – trop rapide pour accéder à la conscience –, et c’est bien le cas ! Il semble que nous possédions un instinct de résistance à la manipulation quand celle-ci est formulée en mots et injonctions.

Le client, consommateur ou collaborateur ne se laisse plus bercer d’illusions, et emporter sa conviction est de plus en plus difficile. Une communication efficace est désormais au prix d’une exploration bien plus fine que jadis des méandres de l’esprit et du langage humain.

Référence : Laran J et al (2010), The curious case of behavioral backlash: Why brands produce priming effects and slogans produce reverse priming effects, Journal of Consumer Research, epub sept 2010, doi : 10.1086/656577
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mardi 7 septembre 2010

LaboCom >38< Les mots de nos affects et de nos représentations

Voici neuf ans, des attentats meurtriers frappaient les Etats-Unis d’Amérique. Quelles ont été les émotions dominantes dans le jour qui a suivi ce 11 septembre 2001 ?

Trois psychologues et linguistes de l’université de Mainz (Allemagne), Mitja D. Back, Albrecht C.P. Küfner et Boris Egloff, ont passé au crible 50 000 messages envoyés par des Américains au lendemain de l’attentat et publiés récemment sur WikiLeaks. Un outil d’analyse automatique de texte a recherché les mots connotant la tristesse, l’anxiété et la colère.

La tristesse est quasiment absente des réactions immédiates. Les chercheurs ont observé une montée régulière de la colère (dix fois plus de messages colériques le soir que le matin). Quant à l’anxiété, elle a connu une courbe en U renversé, montrant un pic quelques heures après l’annonce et les images de l’attentat, mais retombant en fin de journée à ses niveaux habituels.

Pour les trois chercheurs, cette nette domination de la colère permet de comprendre les événements qui ont suivi dans la semaine du 11 septembre, notamment les actes localisés de vengeance contre des individus ou des bâtiments musulmans, et plus largement le soutien de la population aux mesures de riposte du gouvernement américain.

A l’heure où des flux croissants d’informations textuelles se déversent  sur Internet et dans les médias, il devient possible pour les personnalités, les marques, les entreprises et les organisations en général d’analyser ainsi la tonalité dominante des discours que l’on tient sur elles. L’outil DoxoLab®, développé par le cabinet Inférences et lancé au printemps dernier, fonctionne d’ailleurs selon une méthode similaire à celle employée par les trois chercheurs allemands : une analyse sur grands volumes de certains répertoires de mots connotant des émotions, des sentiments, des valeurs ou bien signalant automatiquement  des argumentations dignes d’intérêt.

Le langage exprime l’esprit : à chacun d’en prendre conscience… et d’en tirer les conséquences.

Référence : Back MD et al (2010), The emotional timeline of September 11, 2001 Psychological Science, doi:10.1177/0956797610382124  
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lundi 26 juillet 2010

Inférences à l'université d'été de l'ACIDD

Dans le prolongement de notre étude, réalisée en partenariat avec l’Ujjef – communication et entreprise, et consacrée à l’analyse sémantique des discours corporate des entreprises sur le développement durable, Inférences participera à la 8° Université d'été de la communication pour le développement durable organisée par l’ACIDD (Association Communication et Information pour le Développement Durable). Cette Université d’été se tiendra au Château de l'Environnement à Buoux dans le Luberon, les 9 et 10 septembre 2010 et aura pour thème « Le temps ».

Convié à s’exprimer, le cabinet Inférences interviendra avec l’Ujjef sur le thème de son étude envisagée sous le prisme du « temps ». Dans une note d’introduction, Inférences a résumé sa propre compréhension du rapport que le développement durable entretient, nécessairement, avec le temps :
Dans développement durable, il y a durable. Un adjectif qui dit à lui seul le lien entre développement durable et temporalité. Adjectif dérivé du substantif « durée », durable présente la caractéristique sémantique d’indiquer la possibilité d’une durée, tout comme mangeable indique ce qui est susceptible d’être mangé, ou estimable ce qui est susceptible d’être estimé…
Sémantiquement, le développement durable est donc d’abord une éventualité ; celle d’un avenir dépendant d’actions réalisées au présent. Cette dépendance du futur à l’égard du présent est notre responsabilité. Pour le développement durable, temps et responsabilité sont donc intimement liés. Chaque jour, l’exercice de notre responsabilité à l’égard du futur façonne le temps nécessaire pour que le développement durable devienne une réalité micro et macro-économique. Mais le temps du développement durable n’est pas seulement l’évocation d’une durée, c’est aussi la référence à un moment, celui auquel il convient d’agir… aujourd’hui !
L’étude Ujjef/Inférences sur le discours des entreprises sur le développement durable, a montré que si le temps, le moment, du développement durable avait pénétré les esprits et les discours, le temps de la communication se confondait trop souvent encore avec le besoin d’immédiateté… Difficile de penser long terme en recherchant des effets courts termes !
Synchroniser les temps du développement durable et de la communication : une responsabilité essentielle des acteurs de la communication.

Organisée en partenariat avec l'ADEME, le Comité 21, la Région PACA, le Département de Vaucluse, Eco-Emballage, Kraft Foods, La Poste, Nestle Waters, Orange, Price Waterhouse Coopers, cette Université d’été coïncidera pour sa huitième édition avec le dixième anniversaire de la création de l'association ACIDD.
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mardi 13 juillet 2010

LaboCom en congés…

La parution des LaboCom s’interrompt durant la torpeur estivale. Leur publication reprendra le 7 septembre dans une version renouvelée qui tiendra compte des nombreuses réponses reçues à l’occasion d’une enquête réalisée en ligne auprès de nos lecteurs. Cette enquête visait à interroger nos lecteurs sur leurs thèmes favoris et le rythme idéal de réception des LaboCom. Nous reviendrons sur les résultats de cette enquête avec la nouvelle formule de rentrée.
Bonnes vacances !
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mardi 6 juillet 2010

LaboCom >37< Communication institutionnelle : anticiper les risques du sponsoring

Il est entendu que l’équipe de France a été particulièrement médiocre dans son jeu et critiquable dans son comportement au cours de cette première Coupe de monde de football organisée sur le Continent africain. Le sport n’est jamais très éloigné du business, particulièrement au football, et les sponsors de l’équipe nationale doivent désormais gérer la mauvaise image de marque associée à cet épisode calamiteux.

Hasard du calendrier, Steven Sweldens, Stijn van Osselaer et Chris Janiszewski publient une étude sur cette question dans le Journal of Consumer Research. Les trois auteurs ne prennent certes pas Nicolas Anelka en exemple, mais le golfeur Tiger Woods. Ce dernier a commis quelques écarts dans sa vie conjugale, phénomène qui aurait plutôt tendance à faire sourire de ce côté-ci de l’Atlantique, mais que nos voisins de l’autre rive prennent très au sérieux. Aussi Accenture, son principal sponsor, n’a pas vraiment jugé à son goût les frasques du golfeur.

L’association d’une marque avec un stimulus positif est appelée le conditionnement évaluatif. Les sponsors choisissent pour cette raison un joueur, une équipe ou un événement afin de bénéficier de cette corrélation dans l’esprit des spectateurs. Les trois chercheurs distinguent deux types de conditionnement évaluatif : par transfert indirect ; par transfert direct.

Dans le transfert indirect, le feeling positif dépend de l’association (par la mémoire) entre la marque d’une part, l’exploit sportif ou l’intensité de l’événement d’autre part. C’est le choix malheureux qu’avait fait Quick avec Anelka dont le comportement a exposé la marque à une association négative dans l’opinion. Dans le transfert direct, la marque s’engage dans une stratégie de mécénat plus large et davantage sous contrôle, en ne faisant pas le pari d’une capitalisation exclusive sur la réputation d’un tiers. Par exemple, aux Etats-Unis, Nike soutient officiellement 35 joueurs du championnat de basket NBA. Plus diffuse et donc moins intense, cette association se révèle plus robuste et plus efficace sur le long terme. Deux qualités que l’on souhaite à notre future équipe nationale de football…

Référence : Steven Sweldens, Stijn van Osselaer, Chris Janiszewski (2010), Evaluative Conditioning Procedures and the Resilience of Conditioned Brand Attitudes, Journal of Consumer Research, electronic pub., doi : 10.1086/653656.
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mardi 29 juin 2010

LaboCom >36< La confiance est-elle soluble dans le numérique ?

Les technologies de l’information et de la communication (TIC) changent en profondeur notre vie professionnelle comme notre existence personnelle. Mais le plus est-il toujours synonyme du mieux ? Faut-il tout basculer dans les interfaces numériques de travail ? Pas si sûr répondent deux chercheurs de l’Université de l’Illinois, Gregory Northcraft et Kevin Rockmann.

Northcraft et Rockmann ont placé 200 étudiants de dernière année d’école de commerce en situation de travail en équipe. Un groupe s’organisait en réunions et face-à-face, un autre par visioconférences et e-mails. L’expérience a montré que la coopération et la confiance étaient les plus fortes dans le groupe travaillant en relation directe, plus faibles quand le courrier électronique domine, quelque part entre les deux avec la visioconférence.

« Les technologies nous ont rendus bien plus performants, mais bien moins confiants, note Gregory Northcraft. Une chose a été gagnée quand une autre a été perdue. Ce que nous avons gagné, c’est le temps ; ce que nous avons perdu, c’ est la qualité de la relation. Or, pour la performance collective, cette qualité compte ».

Les entreprises doivent donc développer une vraie stratégie d’intégration des TIC dans leur environnement de travail, les implémentant là où elles sont nécessaires, limitant leur usage là où des contacts directs entre collaborateurs sont plus utiles. « Le contact physique a une sorte de demi-vie, remarque Nortcraft. Quand les gens se sont rencontrés en face-à-face, ils peuvent en tirer profit pendant un certain temps ; ils peuvent en effet conserver une communication directe minimale sans que la qualité de la relation se dégrade. Mais au bout d’un moment, le face-à-face redevient nécessaire pour, en quelque sorte, recharger la confiance, l’engagement et la loyauté de la relation ».

La moindre efficacité de l’e-mail dans la mobilisation des équipes tient sans doute à cette absence de contact physique nécessaire à la psychologie humaine, mais aussi au fait que notre communication est en partie non-verbale et implicite : c’est le contexte qui donne sens au “texte” ; cette propriété est perdue dans un message électronique qui, pour maximiser l’efficacité de sa transmission, doit être explicite et complet.

Nul ne conteste que les TIC apportent d’innombrables avantages aux organisations, et qu’elles seront de plus en plus nécessaires à la création de valeur. Mais quand il s’agit d’optimiser la compréhension des messages et la motivation des esprits, particulièrement dans les grands groupes, une politique sur-mesure de l’information et de la communication est nécessaire.

Référence : Northcraft G. (2010), Relying too much on e-mail bad for business, University of Illinois website. Etude à paraître dans Organizational Behavior and Human Decision Processes.
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mardi 22 juin 2010

LaboCom >35< Consommation : sous l’emprise de nos préférences implicites

Chaque jour, nous sommes confrontés dans notre environnement publicitaire et informationnel à plusieurs dizaines de stimuli où figurent des marques associées à des images, des sons ou des textes. Et cela aussi bien dans nos navigations numériques que dans notre milieu de vie « physique ». Il nous est impossible de nous remémorer chacune de ces rencontres, ou même le nom des marques concernées, mais ces stimulations nous laissent souvent une impression – positive ou négative. Dans la littérature anglo-saxonne, on appelle cet effet « I like it but I don’t konw why » – j’aime bien mais je ne sais pas pourquoi. La préférence ne serait donc pas l’objet d’une réflexion consciente, rationnelle.

Deux chercheurs canadiens, Melanie Dempsey (Université Ryerson) et Andrew A. Mitchell (Université de Toronto), ont testé la réalité de ces préférences cachées (ou implicites). Les volontaires de cette étude ont d’abord subi une période de conditionnement. Des dizaines de marques (imaginaires) étaient présentées sur des écrans, associées avec des images et des mots. Parmi elles, deux marques-cibles faisaient l’objet d’une association conditionnée : l’une était présentée avec 20 stimuli toujours négatifs, l’autre avec 20 stimuli toujours positifs. Cette phase était conçue de telle sorte que les consommateurs ne pouvaient pas se rendre compte que leur esprit avait été spécifiquement conduit à valoriser ou dévaloriser ces deux marques.

Dans la seconde phase de l’expérience, les sujets ont été confrontés à des informations explicites qui contredisaient le conditionnement implicite. La marque ayant un affect négatif se voyait décrite en termes très positifs, et inversement pour l’autre. Or, les consommateurs ont systématiquement minimisé les informations négatives lorsqu’ils avaient dans un coin de leur inconscient des images positives d’une marque. Conclusion des chercheurs : « Les décisions et choix des consommateurs ne sont pas seulement déterminés par l’information rationnelle (attributs du produit) mais sont aussi dirigés par des forces qui se situent en dehors du contrôle rationnel ».

Ce travail, qui confirme de nombreuses autres études en ce sens, rappelle la puissance de l’implicite et l’importance du contexte dans le fonctionnement de notre esprit. Il ne concerne pas seulement le marketing, mais aussi bien toutes les situations de la vie économique et professionnelle où nos décisions sont influencées par des informations antérieures. Il rappelle que la communication n’a de sens que si elle est à la fois intégrée (harmonisation de tous les messages) et spécifiée (adaptation de chaque message à chaque cible).
 
Référence : Dempsey M, AA Mitchell (2010), The influence of implicit attitudes on choice when consumers are confronted with conflicting attribute information, Journal of Consumer Research, epub, 0093-5301/2010/3704-0002.
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mercredi 16 juin 2010

LaboCom >34< Qui a peur des mots ? Sortir de le crise économique… et de la crise du langage

Il n’est question ni de rigueur ni d’austérité, mais de plan de relance. Le licenciement a fait place à la restructuration, la fermeture d’usine à la délocalisation, la récession à la maîtrise de l’inflation… Dans l’éditorial du dernier numéro de CB News, Christian Blachas analyse ce qu’il nomme la « nouvelle sémantique » : « Le XXIe siècle a inventé un nouveau langage issu de deux courants profonds : le politiquement correct (personnes à mobilité réduite, non-voyants, mal-entendants…) et le discours hypocrite qu’on pourrait aussi intituler mensonge ou gros pipeau. Pour masquer la dure réalité des faits, on invente des mots et des expressions destinés à faire passer la pilule. »

Une novlangue aux effets contre-productifs
Pour l’éditorialiste, cette novlangue édulcorée a pour but d’éviter toute émotion forte chez le récepteur du message, en commençant par la méfiance ou l’inquiétude si promptes à s’éveiller en période de trouble : « Une obsession : ne pas faire peur. Surtout, ne pas faire paniquer encore plus les marchés. Le problème, c’est que ça ne marche pas. Les investisseurs ou autres spéculateurs exigent des mesures drastiques d’économie et de réduction de la dette publique.(…) Alors, c’est bien de vouloir rassurer à tout prix, de calmer le jeu, d’enrober l’amertume des décisions par des mots sucrés ou inodores. Mais en dehors de la ménagère de Montauban ou d’Hénin- Liétard, qui cela trompe-t-il réellement ? Sur-informé, le consommateur-citoyen n’est pas dupe. »

Cette critique du langage aseptisé des organisations n’est pas nouvelle. En 1991 déjà, voici vingt ans, François-Bernard Huyghes dénonçait la « langue de coton » (Robert Laffont), notant à son propos : « Elle a le triple mérite de penser pour vous, de paralyser toute contradiction et de garantir un pouvoir insoupçonné sur le lecteur ou l’auditeur. Ses mots sont séduisants, obscurs ou répétitifs. Floue ou redondante, banale ou ésotérique, elle a réponse à tout parce qu’elle n’énonce presque rien. Ou trop, ce qui revient au même. »

Sortir, aussi, de la crise du langage
On peut certainement parler d’une crise du langage dans les organisations, et particulièrement dans les entreprises. Elle n’est pas tout à fait étrangère au cycle de financiarisation de l’économie qui s’est lancé et accéléré depuis les années 1970-1980, menant à la grande crise de 2007-2008 : le court-termisme (bilans trimestriels), l’extrême sensibilité des marchés aux résultats et aux prévisions, la confiance (bulle) puis la défiance (krach) irrationnelles font que de nombreux dirigeants de grandes entreprises préfèrent adopter le ton le plus neutre et le plus fonctionnel possible – avec au final un discours sans aspérité.

Mais le spectre d’une défiance des actionnaires et des marchés n’explique pas tout. Parmi les facteurs qui concourent à vider la langue de sa substance sémantique : la difficulté à gérer la diversité des individus et des communautés, la montée de l’émotion et du sentiment sous la pression des médias, le temps-zéro avec son manque de perspectives et d’horizons, la grégarité et le conformisme de tout milieu (économique ou politique inclus), l’aversion au risque et la peur de faire des vagues…

Il reste que, comme C. Blachas le souligne bien, personne n’est dupe de ce langage désincarné et euphémisé. Au mieux, il soulève ironie et mépris, au pire défiance et colère. C’est d’autant plus vrai que l’Internet a libéré la parole jadis concentrée dans quelques canaux de communication, de sorte que la « langue officielle » se trouve vite dénoncée par le parler vrai des individus. La triple crise financière, économique et sociale qui frappe les sociétés industrialisées depuis trois ans, peut être l’occasion de traiter aussi cette crise sémantique et lexicale. Car enfin, on parle de restaurer la confiance, de motiver les collaborateurs, de souder les troupes, de témoigner de respect, de développer l’imagination et de libérer les volontés pour restaurer des niches de croissance… tout cela commence par un nouveau langage, plus direct, plus vrai et plus clair.

Référence : Blachas C (2010), La nouvelle sémantique, CB News, 31 mai / http://www.cbnews.fr/edito
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mardi 8 juin 2010

LaboCom >33< Les secrets de la motivation

Pour toutes les organisations, motiver les individus constitue un enjeu majeur. Et la récompense monétaire est souvent envisagée comme le principal facteur d’incitation à bien faire. Mais est-il le seul ?

Koji Jimura et Todd Braver (Université Wahdingto de Saint-Louis, Etats-Unis) ont eu la surprise de constater que ce n’était pas le cas. Leur expérience a réuni 31 volontaires dans un jeu relativement simple consistant à mémoriser et restituer des séries de mots. Des tests préalables de personnalité ont permis de mesurer le goût pour la compétition et la sensibilité à la récompense monétaire de chaque individu. Certains tests étaient assortis de deux niveaux de rétribution en cas de succès, 25 et 75 cents à chaque réponse correcte ; d’autres tests ne faisaient pas intervenir l’argent.

La surprise vient du résultat paradoxal : la performance des personnes les plus sensibles à la récompense monétaire a été améliorée dans les tests… où l’argent n’intervient pas ! Et cela dans une proportion supérieure par rapport aux autres participants. Croyant d’abord à une erreur, les chercheurs ont revérifié leurs résultats, qui se sont révélés exacts. L’examen par imagerie cérébrale a montré que les tests à récompense non-monétaire ne font pas intervenir la même région du cerveau dans la motivation : quand l’argent n’entre pas en ligne de compte, le cortex préfrontal latéral est davantage mobilisé. Or, cette région du cerveau est impliquée dans les stratégies cognitives supérieures et les activités orientées vers un but : « Il semble que leurs cerveaux reconnaissent un contexte motivationnel de récompense, tout au long des essais, même quand l’argent n’est plus concerné », explique Koji Jimura.

La motivation humaine est ainsi une corde sensible que l’on peut toucher par des moyens très variés. De nombreux travaux ont suggéré que la mise en valeur d’éléments culturels, symboliques et identitaires contribuait également à l’adhésion des individus aux objectifs d’un groupe ainsi qu’à l’incitation à obtenir des résultats.

Référence : Jimura K et al (2010), Prefrontal cortex mediation of cognitive enhancement in rewarding motivational contexts, PNAS, 107, 19 8871-8876, doi: 10.1073/pnas.1002007107.
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mardi 1 juin 2010

LaboCom >32< Exploiter l’information à l’âge numérique : un enjeu majeur de la communication d’influence

Les réseaux sociaux (Facebook) et le microblogging (Twitter) représentent les plus importantes croissances de flux de messages sur Internet au cours des dernières années. Le phénomène est durable : il s’agit d’un nouvel écosystème de l’information qui concerne toutes les organisations. Environ 20 % des messages échangés sur Twitter (les tweets) concernent ainsi des marques ou des entreprises (Cf. LabocCom <5> : « Votre entreprise est-elle préparée aux tweets »).

Des chercheurs de l’Université Carnegie Mellon, dirigés par Noah Smith, ont analysé un milliard de messages Twitter émis en 2008 et 2009 aux États-Unis. Ils se sont demandés si ces messages pouvaient refléter l’opinion publique dans le domaine politique et économique, comme le font les instituts de sondage. La réponse est positive.

Dans le domaine économique, que nous analyserons ici, les chercheurs ont étudié la confiance des consommateurs. Celle-ci est mesurée par sondage classique à travers deux indices : Index of Consumer Sentiment (Reuters et Université du Michigan), Organization’s Economic Confidence’s Index (Gallup). Pour les tweets, Noah Smith et ses collègues ont mis au point une méthodologie à deux étapes : isoler le thème économique (par mots-clés) dans un premier temps, évaluer le contenu positif et négatif dans un second temps. Résultat : les messages Twitter expriment une plus forte variabilité sur des temps courts (au jour le jour), mais rejoignent ceux des sondages classiques lorsqu’ils sont lissés sur des périodes plus longues (plusieurs jours par exemple) ; corrélation de 72 à 79 % selon la période de lissage.

Cette recherche illustre les avancées de la linguistique computationnelle et les possibilités qu’elle offre désormais pour exploiter l’information transitant sur l’Internet – ou n’importe quel autre corpus au demeurant. Outre la démarche quantitative choisie par les chercheurs de Carnegie Mellon, il est possible d’analyser plus finement le spectre des opinions, sentiments et arguments exprimés par une population-cible. Du point de vue des organisations, et dans chaque secteur d’activité concerné, cela représente une opportunité sans précédent pour comprendre les attentes des différents publics ou suivre l’évolution de sa réputation.

Le cabinet Inférences, expert des problématiques de langage et de contenus rencontrées par les organisations, développe des solutions inspirées par ces travaux. Il aura ainsi le plaisir d’annoncer cette semaine le lancement d’un nouvel outil d’analyse informatisée de corpus, DoxoLab®.

Référence : O’Connor B et al (2010), From Tweets to Polls: Linking Text Sentiment to Public Opinion Time Series, in Proceedings of the International AAAI Conference on Weblogs and Social Media, Washington, DC, May 2010.
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mercredi 26 mai 2010

LaboCom >31< Demain le neuromarketing ?

Le marketing est réputé pour être à l’affût des plus récentes innovations permettant de comprendre et surtout d’anticiper le comportement d’un consommateur ou le succès d’un produit. Aussi n’est-il pas étonnant qu’il se soit rapproché depuis une dizaine d’années de disciplines scientifiques en plein essor – neurosciences cognitives et imagerie cérébrale – pour donner naissance à une démarche appelée le « neuromarketing ».

Dans un article de synthèse publié dans Nature Reviews Neuroscience, Dan Ariely et Gregory Berns proposent une analyse utile de cette approche. Avec deux questions : le neuromarketing pourrait-il se révéler moins coûteux que les méthodes traditionnelles ? Le neuromarketing est-il susceptible de révéler des dimensions inaccessibles aux « vieilles » méthodes ?

La réponse à la première question est négative. Un test en neuromarketing mobilise des outils d’imagerie cérébrale dont les plus efficaces, comme l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) sont coûteux à la location. Ils exigent un personnel médical et scientifique qualifié, notamment pour l’interprétation des signaux fins de détection (MVPA). De surcroît, le cerveau humain étant aussi variable que la psychologie en découlant, un test en neuromarketing demande le croisement de plusieurs échantillons représentatifs de la cible. Autant de contraintes qui réservent cette technique d’avant-garde à des projets de grande ampleur. Les auteurs citent l’architecture, le divertissement (jeux ou films), les campagnes politiques, la parapharmacie et l’agro-alimentaire comme des secteurs susceptibles de recourir au neuromarketing dans le cadre de lancements, de projets ou d’événements particulièrement importants.

Mais le jeu en vaut-il la chandelle ? Oui, déclarent les chercheurs, si l’on attend des informations inaccessibles aux focus groups, questionnaires de préférence, choix simulés de produits et autres tests en conditions plus ou moins réalistes. La raison en est que l’on identifie de mieux en mieux les corrélats neuronaux de nos attitudes psychologiques explicites aussi bien qu’implicites. Concrètement, une stimulation va éveiller avec plus ou moins d’intensité des aires très précises dans le cerveau des sujets. Il n’existe certes pas de bouton « j’achète » dans notre esprit, car l’acte d’achat relève finalement de logiques comportementales très complexes, mais on parvient en revanche à mesurer avec une certaine efficacité le plaisir associé à un usage ou une expérience (quel qu’en soit le sens : vision, goût, toucher, etc.), les émotions primaires (comme la joie, la colère ou la peur), les circuits de la récompense et de la décision… Par ailleurs, des analyses statistiques assez poussées (par méthode bayésienne) suggèrent qu’il existe un décalage de significativité entre activation neurale et expression verbale, au bénéfice de la première. Cela signifie que voir ce qui se passe à l’intérieur de l’esprit peut, dans certains cas, se révéler plus efficace pour anticiper un comportement à venir, ou au moins pour évaluer l’impression réellement ressentie lors d’une expérience ou d’un test. 

Mais outre son coût et son efficacité encore limitée à certains aspects de la cognition, le neuromarketing doit aussi affronter des problèmes d’éthique et d’image. Il n’est pas tout à fait anodin d’envoyer des ondes dans un cerveau… Et l’entreprise ou l’organisation, qui emploie ces méthodes en dehors de travaux de recherche, court le risque d’être accusée de manipulation cynique de sa cible. En soi, ce reproche n’est qu’à demi fondé puisque l’objectif, lui, est très exactement identique à celui des techniques actuelles… c’est le moyen qui change, pas l’intention. Mais les débats toujours houleux sur les biotechnologies et nanotechnologies montrent que l’opinion est plus sensible à certains thèmes que d’autres.

Référence : Ariely D, GS Brns, Neuromarketing : the hope and hype of neuroimaging business, Nature Reviews Neuroscience, 11, 284-292, doi:10.1038/nrn2795
A lire : un ouvrage de référence vient de paraître en français sur un domaine plus large que le seul neuromarketing, Christian Schmidt, Neuroéconomie, Odile Jacob, 2010.
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lundi 17 mai 2010

LaboCom >30< L’identité : une question économique aussi…

On a beaucoup parlé ces derniers mois de l’identité dans un cadre politique. A l’écart de toute polémique, il est aisé d’observer que l’identité revêt pour l’être humain un caractère fondamental. Réelle ou imaginaire, matérielle ou symbolique, l’identité dicte une part de nos pensées et de nos actes. On en prend souvent conscience… quand on est confronté à une identité différente de la nôtre. Nationale, linguistique, religieuse, professionnelle, sexuelle, « tribale », l’identité se manifeste à travers des réalités multiples.

George A. Arkerlof a reçu en 2001 le prix Nobel d’économie – plus exactement, le prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel – pour avoir mis en lumière le rôle des asymétries d’information sur le marché. Un vendeur et un acheteur n’ont jamais exactement la même information sur l’objet d’une transaction et il en résulte un déséquilibre affectant le caractère optimal des échanges marchands. Penseur fécond, Arkerlof s’est aussi intéressé aux nombreuses manifestations de l’irrationalité dans nos comportements économiques pourtant supposés rationnels (voir notre LaboCom <13> consacré aux « esprits animaux »).

Avec Rachel Carson, George Akerlof vient de faire paraître un nouvel essai très stimulant sur un nouveau concept, « l’économie identitaire ». Quand les économistes étudient les motivations des individus, ils emploient un outil appelé « fonction d’utilité ». Ce terme mathématique définit en gros, les préférences des agents. La plupart des analyses se focalisent sur la dimension pécuniaire de cette motivation (l’argent comme critère ultime d’expression des préférences), même si la fonction d’utilité peut être appliquée à d’autres domaines. On l’utilise par exemple pour analyser le désir d’enfant, la recherche de statut ou le souci de l’équité. Reste que pour les économistes, ce genre de préférences n’a pas beaucoup d’influence dans l’économie réelle et, en tout état de cause, ce sont des préférences individuelles.

Akerlof et Carson montrent à travers d’innombrables exemples et résultats empiriques de recherches que ces économistes se trompent. D’une part, les préférences individuelles n’ont pas une distribution aléatoire ; elles sont en effet souvent réparties selon des identités collectives, c’est-à-dire des groupes sociaux de référence d’où l’individu tire ses normes. D’autre part, ces inscriptions identitaires ont une importance de premier plan dans la vie économique. Elles peuvent expliquer pourquoi des pays sont portés à l’épargne et d’autres à la consommation, comment les ménages arbitrent leurs dépenses, pourquoi des marques connaissent un cycle de vie, comment les entreprises multinationales (et multi-ethniques) sont parfois confrontées à des difficultés de management, pourquoi subsistent des inégalités de sexe et de « race » dans les revenus et les statuts.

Cette approche par « l’économie identitaire » rappelle tout l’intérêt d’une vision systémique et non « mécanique » des organisations. L’identité n’en est certes qu’un aspect, mais un aspect dont la connaissance précise constitue une source précieuse d’information pour favoriser notamment un management cognitif et axiologique. Ignorer la dimension identitaire c’est, d’une part, priver le management d’un levier important de motivation des équipes, et d’autre part, retirer au pilotage de la communication sa colonne vertébrale.

Référence : Akerlof GA, RE Kranton (2010), Identity Economics. How our identities shape our work, wages, and well-being, Princeton University Press.  
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mardi 11 mai 2010

LaboCom >29< Compétition et statut symbolique : la motivation et la mobilisation des équipes revisitées

La compétition entre individus n’empêche pas la coopération de ces mêmes individus lorsqu’ils sont réunis au sein d’un groupe. De proche en proche, le phénomène se reproduit avec la compétition entre groupes. Ainsi, bon nombre de chercheurs en psychologie évolutionnaire pensent que cette « coopétition » (mixte de coopération et de compétition) a joué un rôle fondamental dans l’évolution humaine, notamment dans le développement de l’altruisme, de la morale, de la religion et de divers « marqueurs cognitifs et symboliques de groupe ».

Les tribus de chasseurs-cueilleurs en lutte pour l’appropriation d’un territoire ne sont pas les seules concernées : un rapide coup d’œil sur notre époque montre aisément que des groupes en compétition existent partout. Le monde économique en donne le meilleur exemple avec un “territoire” où les parts de marché ont remplacé le gibier et les baies sauvages, et les entreprises les hordes !

Robert Lount et Nathan Pettit, du département de management et de ressources humaines à l’Université de l’Ohio, ont mené cinq expériences sur des étudiants pour comprendre plus en détail les motivations des acteurs dans cette compétition entre groupes. Ces tests analysaient une variable : le statut des groupes évalué à partir de la réputation de leur université respective. Les étudiants devaient donc faire mieux que des groupes ayant un statut supérieur ou inférieur au leur. Résultat : les performances ont été meilleures (+30 %) quand un groupe en affrontait un autre de statut inférieur. Prendre la place du premier est donc moins motivant qu’éviter d’être soi-même relégué.

« Les gains de motivation apparaissent quand les étudiants craignent que leur statut supérieur soit remis en question », souligne Robert Lount. Selon lui, ces résultats s’appliquent à tout domaine : le sport comme la vie dans l’entreprise. « Si les groupes se focalisent sur le gain de statut, ils perdent une part importante de leur motivation. Les gens travaillent davantage pour ne pas perdre le statut qu’ils ont déjà, que pour en acquérir un autre jugé supérieur ».

Dans un travail indépendant, mené avec Kevyn Tong et Sandra E. Spantaro, Nathan C. Pettit a organisé trois nouvelles expériences qui analysaient cette fois la motivation de l’individu au sein de son groupe. Le résultat fut identique : l’idée de perdre son statut dans le groupe produit une mobilisation plus forte des ressources que la perspective de gagner un rang supérieur.

Ce ressort de la motivation humaine ne doit pas être négligé, en particulier dans l’analyse et la résolution des conflits traditionnellement observés dans l’entreprise, entre les fonctions supports et les fonctions opérationnelles, les services marketing et les services relation clients ou encore les directions juridiques et les directions commerciales.

Mobiliser et motiver des équipes à l’aune de ces facteurs cognitifs et symboliques pourraient s’avérer plus pertinent que bien des démarches de management du changement…

Références : Pettit NC, RB Lount Jr (2010), Looking down and ramping up: The impact of status differences on effort in intergroup contexts, Journal of Experimental Social Psychology, 46, 1, 9-20, doi : 10.1016/j.jesp.2009.08.008 ; Pettit NC, K Yong, SE Spataro (2010), Holding your place: Reactions to the prospect of status gains and losses, Journal of Experimental Social Psychology, 46, 2, 396-401, doi:10.1016/j.jesp.2009.12.007.
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mardi 4 mai 2010

LaboCom >28< Entreprise et “transparence” : les externalités, nouvel enjeu de la communication corporate

Dans la livraison d’avril 2010 de la Harvard Business Review, Christopher Meyer et Julia Kirby publient un article sur le « leadership à l’âge de la transparence » qui a déjà soulevé de nombreux commentaires.

Retour aux années 1980. Les entreprises du tabac nient les liens entre la fumée et le cancer ou l’addiction, dissimulent des travaux menant à ces conclusions, et préfèrent mettre en avant des recherches présentant des résultats qui relativisent l’existence de ces liens.

Vingt ans après, et quelques communications de crise plus tard, des entreprises du secteur agroalimentaire n’hésitent pas à reconnaître l’implication des nourritures trop grasses, trop sucrées et trop salées dans des pathologies comme l’obésité, les troubles cardiovasculaires, le diabète de type II ou certains cancers. Cette “transparence” a porté ces entreprises à développer de nouveaux produits riches en acides gras insaturés (ou allégés en sel et sucre), à publier les teneurs caloriques de leurs produits, à sponsoriser des initiatives de santé, à s’associer à des actions de prévention, à informer les consommateurs sur les risques, à proposer des labels de qualité, à développer leur R&D pour trouver des solutions économiques, saines et néanmoins agréables au goût – même si les vertus sanitaires de certains produits ont parfois été largement exagérées et sur-vendues… 

Changement de postures, une mutation en cours
En vingt ans, les postures adoptées par certaines entreprises ont donc nettement évolué, reléguant les attitudes de déni et de lobbying forcené – et parfois même un peu « trouble » – au musée de la communication corporate.

Ce qui a changé dans cette période, c’est notamment l’information du public par Internet. Les anciens médias, moins nombreux et concentrés, ont laissé place à un système planétaire de circulation de l’information. Publier une information, qui peut potentiellement connaître un succès viral mondial, devient un jeu d’enfant pour tous les consommateurs, usagers, associations et relais d’opinion. Par exemple, en mars dernier, le groupe Nestlé a vu son cours de bourse perturbé et son image brouillée après la dénonciation par Greenpeace sur Internet de l’extraction d’huile de palme dans les forêts indonésiennes. Ce qui était rare à l’époque de la radio, de la télévision ou des journaux est en passe de devenir la règle, avec des conséquences locales ou globales parfois importantes. Et l’entreprise est mal équipée pour y répondre, encore prisonnière d’une communication de moins en moins adaptée à l’écosystème Internet…

Rendre compte des externalités : nouvel horizon de la communication corporate
Meyer et Kirby soulignent que l’entreprise a longtemps mis en avant la “transparence” comme principe de gouvernance, mais qu’elle s’en est en réalité rarement donné les moyens. Aussi perd-elle souvent du temps, de l’énergie et de l’argent à multiplier des initiatives désordonnées pour donner une image politiquement, socialement et écologiquement correcte, au lieu d’apporter rationnellement les preuves de sa transparence revendiquée. Selon les deux auteurs, cela passe par une révolution : admettre l’existence d’externalités, c’est-à-dire assumer les effets secondaires (positifs ou négatifs) d’une activité économique sur l’environnement, la santé, la qualité de vie ou tout autre facteur.

Pour Meyer et Kirby, les entreprises leaders de demain seront celles qui assumeront publiquement l’existence et la mesure de leurs externalités, en feront les bases du dialogue avec leurs parties prenantes, mettront au point des programmes d’internalisation des externalités négatives, orienteront leur politique de recherche et d’innovation dans l’objectif de les réduire ou de les faire disparaître.
 
La communication responsable comme laboratoire d’expérimentation ?
Cette prise de position de Meyer et Kirby rejoint dans une large mesure les conclusions de l’étude récemment publiée par le cabinet Inférences sur le discours corporate des entreprises sur le développement durable. En matière de communication, notre étude a en effet révélé que ce discours ne favorisait pas une lisibilité des enjeux sociaux et environnementaux de l’entreprise, et moins encore de la réponse qu’elle entendait y apporter. Non pas que l’entreprise fasse preuve de mauvaise volonté : les initiatives sont au contraire multiples, mais il manque avant tout une vision stratégique qui s’appuie sur un état des lieux précis et “transparent”, ainsi que sur un dialogue constant avec les parties prenantes.

Tant que cette mutation ne sera pas accomplie, on peut supposer que l’entreprise dépensera beaucoup d’argent pour des efforts qui ne seront pas toujours appréciés à leur juste valeur.

Référence : Meyer C., J. Kirby (2010), Leadership in the Age of Transparency, Harvard Business Review, avril.
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