mardi 27 avril 2010

LaboCom >27< Les limites de nos capacités cognitives : deux tâches ça va ; trois…

Deux chercheurs français de l’Inserm, Syvain Charron et Etienne Koechlin, viennent de publier dans la prestigieuse revue Science une étude sur le fonctionnement de notre esprit. Elle répond à de vieilles questions : comment décidons-nous de nos actions à un instant t ? Où les informations sont-elles traitées ? Et que se passent-ils quand il y en a plusieurs ?

Ainsi, 32 personnes se sont prêtées à une observation en imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pendant qu’elles accomplissaient une tâche cognitive. D’abord une action simple : apparier des lettres minuscules. Tout se passe alors dans nos lobes frontaux, très développés par rapport aux autres animaux à système nerveux central. Le cortex préfrontal antérieur se concentre, impliquant le système de motivation du cortex frontal médian. Point le plus intéressant : les deux parties (droite et gauche) de cette zone du cortex sont mobilisées par la même tâche.

Une deuxième expérience complique un peu l’opération en incluant un autre critère de concentration : apparier simultanément des lettres majuscules et minuscules. L’IRMf révèle alors que le cerveau procède à une division du travail : chaque lobe frontal choisit une des deux tâches. Et les choses se passent sans trop de difficultés.

Mais une troisième expérience montre cruellement nos limites. Les volontaires se voient imposer un test avec trois facteurs simultanés de concentration ; en l’occurrence, apparier indépendamment des lettres de trois couleurs différentes. Et là, catastrophe ! Non seulement les résultats au test sont médiocres, mais l’imagerie montre un temps de réaction très allongé en raison d’allers-retours éperdus entre les deux lobes du cortex. 

« La nature duale de la fonction frontale peut expliquer de nombreuses limitations de nos capacités de raisonnement, de décision et d’adaptation », explique Etienne Koechlin. Nous ne sommes pas programmés pour traiter des informations qui demandent plus de deux objectifs simultanés.

Un cerveau limité, mais averti, en vaut deux ! On peut en effet tirer de cette expérience quelques règles préventives. Quand on se donne une tâche complexe – par exemple, vérifier à la fois la syntaxe, l’orthographe, le sens et la mise en page d’un texte –, il est préférable de connaître ses limites et de procéder de manière séquentielle : plusieurs lectures, chacune dédiée à un ou deux aspects seulement. Il en va de même en matière de stratégie de communication : adresser à une même cible plusieurs messages simultanés augmente la probabilité de dispersion et le risque d'inattention sur l'un des messages. 

Référence : Charron S, E Koechlin (2010), Divided representation of concurrent goals in the human frontal lobes, Science, 326, 360-63, doi : 10.1126/science.1183614
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