mercredi 6 janvier 2010

Toulmin et l’argumentation

Le philosophe Stephen Edelston Toulmin (1922-2009), mort le 4 décembre dernier, n’est pas très connu en France. Il a pourtant eu une influence importante dans le domaine de la rhétorique, de la communication, de l’informatique et de l’épistémologie.

Influencé par Wittgenstein, S.E. Toulmin est surtout débattu pour son modèle de l’argumentation (The Uses of Argument, 1958). Selon lui, nos propositions du langage courant contiennent très souvent une fonction de justification fondée sur des arguments pratiques (aussi appelés « arguments substantiels ») et une logique approchée (ou probabiliste). Rien à voir donc avec la logique formelle, qui procède par inférences et déductions à partir d’axiomes. D’ailleurs, nous ne sommes pas toujours conscients des justifications que nous avançons, qui peuvent être simplement implicites dans les propos tenus – la sémantique des points de vue parlent de topoï : ils correspondent à des schémas cognitifs et discursifs structurant nos représentations.

Son modèle de l’argumentation comporte six composantes en interaction :
• la revendication (claim, assertion principale),
• les preuves ou données (evidence, qui appuie la revendication),
• la garantie (warrant, qui est en fait la loi de passage des preuves aux déclarations),
• le support (backing, venant conforter la garantie quand celle-ci est trop faible),
• la réfutation (rebuttal, limitation ou négation de la revendication),
• le qualificateur (qualifier, exprimant le degré de conviction ou de certitude).

Les trois premières composantes permettent d’émettre une assertion, les trois dernières apparaissant de manière facultative. À travers leur étude, on peut découvrir les « topiques » des discours. Hostile à ce qu’il appelait « l’absolutisme » – sous sa plume, l’idée que seule les propositions théoriques ou analytiques sont dignes d’intérêt ou ont valeur de vérité pour les sujets –, Toulmin a souligné que l’argumentation est généralement « dépendante du champ », c’est-à-dire qu’elle se décline selon certains contextes partagés de justification.

L’approche de Toulmin est notamment utilisée pour dresser des cartes argumentaires ou cartes cognitives, permettant de visualiser la structure de nos arguments.
Le cabinet Inférences perd ainsi un inspirateur des méthodes utilisées dans ses approches des stratégies de discours de l’entreprise.

Pour aller plus loin :
Toulmin SE (2003), The Uses of Argument, deuxième édition révisée, Cambridge University Press, Cambridge.
Share |

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire