dimanche 18 octobre 2009

Sur Oliver Williamson, Prix Nobel d'économie


Le prix Nobel d'économie a été attribué aux Américains Elinor Ostrom et Oliver Williamson. Elinor Ostrom, de l'Université d'Indiana, est récompensée par le comité « pour avoir démontré comment les biens communs peuvent être efficacement gérés par des associations d'usagers ». Ses travaux remettent en cause « l'idée classique selon laquelle la propriété commune est mal gérée et doit être prise en main par les autorités publiques ou le marché ». C’est la première fois qu’une femme accède au Nobel d’économie depuis sa première attribution en 1969. Oliver Williamson, enseignant à l'université de Californie de Berkeley, a été récompensé pour « son analyse de la gouvernance économique, notamment les frontières de l'entreprise ». Nous insisterons ici sur les travaux de ce dernier.

Williamson s’inscrit dans une double tradition intellectuelle : l’analyse institutionnelle (Thorstein Veblen, John R. Commons, Ronald Coase) et la théorie des organisations (Robert Michels, Chester Barnard, Herbert Simon). Le premier point essentiel de ses travaux consiste à poser que l’organisation joue un rôle dans l’économie et que ce rôle peut être scientifiquement étudié. Cette idée se retrouve dans les textes déjà anciens d’Alfred Marshall, Joseph Schumpeter et même Friedrich Hayek, mais elle n’a pas formé le paradigme dominant de la science économique. Celle-ci s’est développée principalement comme une « science du choix » : une théorie du consommateur visant à maximiser son utilité et de l’entreprise visant à maximiser son profit. Le marché est le lieu où se réalisent les choix par confrontation des moyens (rares) et des fins (illimitées) des acteurs économiques, individus ou firmes, avec le système des prix comme facteur d’équilibre. Une approche simple, simpliste diront certains.

À cela, Williamson répond que l’économie est tout aussi bien une « science des contrats » et que l’analyse des transactions réelles montre l’existence de ce qu’il nomme les « hiérarchies » (concrètement, les entreprises et leur gouvernance) par opposition au marché. Toute entreprise est le lieu de rapports bilatéraux nombreux, de nature différente, la liant à ce que l’on appelle aujourd’hui ses « parties prenantes » (salariés, fournisseurs, actionnaires, clients, société civile, États). De tels rapports sont souvent codifiés par des contrats qui ne se résument pas à la logique des marchés. L’exemple le plus simple et le plus universel est le contrat de travail : si la prestation s’échange contre une rémunération, les détails de cette prestation ne sont qu’imparfaitement connus. De là notamment résulte le phénomène de la hiérarchie dans la firme, car les ajustements nécessaires se réalisent plus rapidement et plus efficacement dans un tel cadre institutionnel.

La gouvernance de l’entreprise est donc au cœur des interrogations de cette école des institutions et des organisations économiques. Par rapport au modèle néoclassique dominant, bousculé par la crise de 2008, cette approche peut mettre aujourd’hui en lumière ses avantages. Williamson observe ainsi que les acteurs humains, notamment leur « rationalité limitée » au moment de l’échange et du contrat, sont pris en compte de manière plus réaliste. De même, les détails habituellement gommés par le prisme néoclassique (diversité des organisations, complexité des contrats, régularités et irrégularités comportementales des acteurs) sont ici pleinement pris en compte dans la mesure où chaque transaction relève d’un contexte singulier. La coopération adaptative, principe de base selon lequel les acteurs du jeu économique visent à mutualiser des gains, est également mieux prise en compte si l’on intègre, à côté des mécanismes d’intéressement propre aux marchés, les nombreux ajustements que permettent les hiérarchies, y compris dans des situations de conflit qui ne sont pas prises en compte par le droit du commerce ou du travail.

À lire :
Williamson OE (2002), The Theory of the Firm as Governance Structure: From Choice to Contract, Journal of Economic Perspectives, 16, 3, 171–195 [texte intégral, anglais, PDF. Une excellente synthèse du Nobel sur ses vues]
Williamson OE (1985), The Economic Institutions of Capitalism, Free Press (trad. Fr. : Les institutions de l’économie, Inter-éditions, 1994).
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