mercredi 3 mars 2010

LaboCom >20< Et si l’arme secrète de la performance de l’entreprise était… les femmes ?

Les femmes sont au centre des débats ces temps-ci. Tandis que le livre d’Elisabeth Badinter (Le conflit) provoque une abondante discussion, notamment sur le rapport entre maternité et travail, le CNRS publiera en avril une étude sur la féminisation de l’encadrement des entreprises. Michael Ferrary (SKEMA Business School) en a livré les premières données sur Eco89.

L’étude, réalisée sur les entreprises du CAC40 entre 2002 et 2006, montre que l’encadrement des grandes sociétés est en moyenne féminisé à 29,59 %, avec un minimum à 8 % (EADS) et un maximum à 57 % (LVMH, Hermès). Premiers enseignements : les femmes restent très minoritaires aux postes de décision ; la nature de l’activité n’est pas indifférente au taux de féminisation (un minimum dans les domaines techniques, un maximum dans le domaine du luxe).

Plus étonnant, les chercheurs ont comparé le taux de féminisation avec les résultats de l’entreprise. Ils ont choisi le seuil de 35 %, dont de précédents travaux avaient suggéré qu’il correspondait à la masse critique nécessaire pour qu’une minorité influence le fonctionnement d’une organisation. Les 14 entreprises ayant plus de 35 % de femmes dans l’encadrement obtiennent en moyenne une croissance de 23,54 % du CA et de 19,55 % de la rentabilité, contre 14,61 % et 9,97 % pour les 28 autres moins féminisées ! Ces différences de score se confirment sur la productivité et la création d’emploi, ainsi qu’au sein d’une même branche d’activité, y compris celles à dominante masculine : la croissance et la féminisation de Renault (23 %, 11 %) surpassent celles de Peugeot (18,5 %, 4 %) ; BNP Paribas (41,4 % de féminisation) a nettement mieux résisté à la crise que Dexia (18,4 %).

Comment expliquer ce lien statistique apparemment robuste entre la féminisation et la performance de l’entreprise ? Plusieurs hypothèses sont avancées : effet de la diversité des ressources humaines, apportant une meilleure adaptabilité au changement en interne et un meilleur rapport client ; effet de représentations féminines stimulant des méthodes, des questions et des réponses différentes (en moyenne) des représentations masculines ; effet psychologique de répugnance à la prise de risque excessive (plus marquée chez les femmes que chez les hommes). Il y en a sans doute bien d’autres.

Dans les travaux que le cabinet Inférences a pu mener sur l’identité, les valeurs et le langage des entreprises, il est intéressant de noter que cette problématique de la féminisation n’est jamais au centre du questionnement managérial ou institutionnel – alors que c’est bien sûr le cas dans certains secteurs du marketing. Cette étude, venant après d’autres, suggère que les entreprises gagneraient peut-être à circonscrire plus précisément les écarts de perceptions conscientes d’une même réalité par les hommes et les femmes. En d’autres termes, les cartes cognitives de femmes et d’hommes managers sur un sujet donné touchant l’entreprise (valeurs, choix de modèle de management, identité, stratégie marketing, communication, stratégie développement durable…) sont-elles identiques ? Dans la négative, en quoi diffèrent-elles ?

Référence : Ferrary M (2010), Plus l'encadrement est féminin, plus l'entreprise réussit, Eco89, 21 février, e-pub. (Etude à paraître en avril dans la revue du CNRS : Travail, genre et sociétés). 

Nota : cette information a été distribuée sur la liste de diffusion hebdomadaire de la société Inférences, LaboCom. Si vous souhaitez vous aussi recevoir nos analyses chaque mardi, en avant-première dans votre messagerie, contactez-nous pour être inscrit sur notre liste de diffusion. 
Share |

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire