dimanche 5 avril 2009

Vous avez dit « éthique » ? L’entreprise confrontée au choix de l’éthique ou de la morale…

par Charles Muller

Dans Les Echos, le philosophe Roger-Pol Droit prend acte de l’exigence éthique qui semble aujourd’hui s’imposer dans l’opinion concernant le capitalisme : « Quelle avalanche ! Il n'est plus question que de ça. De Sarkozy à Obama, de Chérèque à Parisot, sans oublier le chœur du G20, les experts, non-experts et commentateurs d'obédiences multiples, tout le monde se préoccupe de rendre la vie financière plus éthique. Il n'est question que de créer ou recréer des règles, de pourchasser les mauvais penchants et les pratiques douteuses, de moraliser le capitalisme... »

Mais en bon philosophe, Roger-Pol Droit ne se contente pas de répéter la doxa (opinion commune et majoritaire) et vise plutôt à en clarifier les enjeux de pensée.

D’abord, ce n’est généralement pas le capitalisme en tant que tel, comme système de production et circulation de biens, qui est soumis à la question éthique, mais ses conséquences sur la vie des individus et l’équilibre des sociétés.

Ensuite, Roger-Pol Droit distingue la morale comme « systèmes de valeurs constitués, normes héritées » et l’éthique comme « construction de réponses fabriquées sur mesure face à des questions inédites ». La place de la finance dans le fonctionnement de l’entreprise, et au-delà de l’économie réelle, pose assurément des questions inédites auxquelles il faudra trouver de telles réponses adaptées.

Le philosophe nous rappelle enfin que l’éthique n’a rien de consensuel en soi, au-delà de son invocation conjuratoire dans la présente situation de crise, et qu’elle connaît de nombreuses écoles. Un héritier de Kant sera par exemple porté à faire confiance dans l’autonomie et la responsabilité morales de l’individu (par exemple celles du dirigeant confronté à la répartition de bonus) alors qu’un disciple de Hobbes verra plus volontiers la « guerre de tous contre tous » à l’œuvre dans le monde économique, et la nécessité de règles prudentielles de co-existence émanant d’un tiers (les pouvoirs publics).

Comme toujours, chaque mot recèle des pièges, des malentendus, des équivoques. Il en est d’autres que Roger-Pol Droit ne relève pas. Par exemple, les « chartes éthiques » qui ont fleuri ces dernières années dans l’entreprise. Elles concernent plus souvent les bonnes pratiques des acteurs internes de l’entreprise dans la marche des affaires, qu’elles n’apportent une réponse aux attentes morales exprimées par la société, les médias ou les pouvoirs publics. Cette réponse relève en effet soit des engagements de l’entreprise en matière de responsabilité sociale et environnementale (RSE), soit d’un simple affichage de bonnes intentions.

La crise économique appellera-t-elle à des clarifications sémantiques et axiologiques de la part des entreprises dont les stratégies de communication vont de plus en plus s’apparenter à de la gestion de communication sensible ? On peut l’espérer, car en période troublée, une vision claire, un projet cohérent et une communication authentique sont plus que jamais nécessaires.
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