lundi 24 novembre 2008

Les mots de la crise — Les médias en ont-ils trop fait ?

Etude Inférences n°1 téléchargeable ici

Cette première étude d’Inférences inaugure une série d’analyses consacrées au rôle du langage, de la culture et de l’identité dans le monde économique. Deux autres travaux sont déjà programmés : le premier, sur les valeurs des entreprises françaises; le second, sur le discours «développement durable» relayé par les entreprises et certaines institutions. L’objectif de ces études est de produire un décryptage en profondeur des comportements, discours et états d’esprit structurant aujourd’hui les représentations des acteurs économiques. Elles s’attacheront en outre à montrer le rôle central joué par le langage dans les stratégies de communication des entreprises.



10 titres de presse retenus (Les Échos, Le Figaro, Libération, Le Monde, La Tribune ; L’Express, Marianne, Le Nouvel Observateur, Le Point, Stratégies) ; 436 articles (1,76 million de signes) passés au crible : le cabinet Inférences s’est intéressé au discours des médias sur la crise financière.

Des registres discursifs qui vont de la dramatisation à l’appel à la morale
Analyse du discours médiatique sur la crise financière, cette étude répond à 3 questions :
• Qui sont les gagnants et perdants de la crise en termes d’image dans l’opinion ?
• Quelles sont les qualifications dominantes des événements ?
• Les médias en ont-ils trop fait, comme certains le leur ont reproché ?
Le décryptage des procédés discursifs a permis d’identifier une importante polymorphie des qualifications de la crise, et révélé trois champs lexicaux récurrents alimentant le discours médiatique :
• Champ lexical métaphorique : images désignant la crise sans la nommer (chaos, climat, médical) ;
• Champ lexical psychologique : émotions associées à la crise (peur, inquiétude, panique, incertitude, colère…) ;
• Champ lexical axiologique : valeurs (idéologiques, morales) convoquées pour juger la crise.
Enfin, le relevé des relations sémantiques dans lesquelles sont pris des mots comme banque, patron, Etat, marché, a dévoilé un jeu des connotations confirmant la dégradation de l’image des acteurs privés au bénéfice de celle des acteurs publics.

Des médias autant dans l’emphase qu’à l’écart des idéologies
Les médias en ont-ils trop fait ? La question a été posée par Le Monde (« Les médias parlent-ils trop de la crise ? », 13 octobre 2008), à la suite des réactions de lecteurs ou d’observations de site Internet (Les Econoclastes, Arrêts sur images). Aux deux critiques adressées — les médias alimentent la panique au lieu de la conjurer ; les médias font le procès du capitalisme et du libéralisme —, cette analyse répond que si l’usage d’un vocabulaire « superlatif » et de métaphores dramatisantes donne en effet parfois le ton, et vont incontestablement au-delà de la description brute des faits, cet usage est néanmoins cohérent avec une situation que tout le monde s’accorde à décrire comme d’une extrême gravité. Sur le terrain idéologique, la crise a été le plus souvent perçue comme celle d’un système (33e rang des substantifs les plus souvent cités) alors que le mot capitalisme n’apparaît qu’en 118e rang, et le mot libéralisme en 793e ! L’interprétation idéologique de la crise n’est donc pas prépondérante. La crise est avant tout celle de la banque (1re rang), grande perdante médiatique pour laquelle la perte de confiance constitue le moteur de l’altération de l’image.
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