vendredi 11 février 2011

Sommes-nous si prévisibles ? Mieux comprendre le fonctionnement des réseaux sociaux

Les réseaux sociaux ont toujours structuré l’existence humaine. Bien avant Internet, chaque individu était connecté à d’autres, dans une relation d’échanges plus ou moins soutenus, construite autour de motivations les plus diverses : liens familiaux, sexuels ou amicaux, intérêts matériels ou intellectuels, croyances ou convictions partagées, etc. Le réseau informatique mondial matérialise ces liens qui lui préexistaient. Il en démontre l’importance dans la diffusion des idées, le développement des pratiques et la construction des préférences.

Dans un papier récemment présenté à un congrès de l’université de Californie, Shashi Shekhar et Dev Oliver (Université du Minnesota) rappelle les enjeux et les frontières de l’analyse des réseaux sociaux. Leurs modèles traditionnels sont fondés sur des graphes où chaque acteur (individu, institution) est un nœud du réseau : on peut alors quantifier la centralité et l’influence relatives de ces acteurs, évaluer le degré de cohésion et d’ouverture des communautés (sous-ensembles reliés du réseau global), mesurer l’intensité des flux d’échange.

Les deux universitaires font observer que cette topologie, certes déjà très riche, présente néanmoins une vision très statique des réseaux et bien trop peu systémique. Elle masque en effet l’évolution spatio-temporelle des changements (par exemple, comment, dans la durée, se modifie et se déplace la confiance dans les leaders) et des tendances (par exemple, quels sont les traits dominants, de court et long termes, au sein d’un réseau). Cette dimension dynamique est d’autant plus importante que les évolutions en cours de la société numérique (géolocalisation, Internet des objets…) produisent des masses croissantes d’informations pour analyser en temps réel les phénomènes. Et les deux chercheurs donnent quelques pistes pour intégrer les données spatiales et temporelles à l’analyse des réseaux sans pour autant faire exploser les temps de calcul.

Pour les entreprises, l’acquisition et la gestion de ce nouveau « capital informationnel » sont un des principaux enjeux stratégiques de la mutation numérique des économies. Plus une entreprise connaît l’évolution des préférences de son marché et de ses parties prenantes, mieux elle peut s’y adapter et gagner ainsi un avantage compétitif.

Cependant, l’e-influence, telle qu’elle est encore envisagée par la plupart des acteurs, reste encore largement en retrait par rapport à ces besoins d’anticipation et de lecture fine des évolutions des territoires d'influence. Décrypter les frontières “idéologiques” ou encore analyser les déplacements d’allégeances constituent pourtant le B-A-BA de toute stratégie d'intelligence économique. Il y a 2 500 ans Sun Tzu l’avait parfaitement compris : La règle, c'est que le général qui triomphe est celui qui est le mieux informé. Internet a déplacé les problématiques techniques, pas stratégiques…

Référence : Shekhar S et D Oliver (2010), Computational modeling of spatio-temporal social networks: A time-aggregated graph approach, congrès de l’Université de Califonrie (Santa Barbara), National Science Foundation et Army Research Center (« Contraintes spatiotemporelles des réseaux sociaux »).
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