dimanche 15 mars 2009

Communication interne de l’entreprise : nouvelle tour de Babel ?

par Jean Laloux

Avec la crise, les territoires de communication vont devenir mouvants et le besoin d’une compréhension transversale de l’entreprise va s’imposer comme une impérative nécessité. Parcourue par des communautés au savoir-faire et savoir-être distincts, et dont la cohésion ne peut plus être assurée par de lénifiants appels à un « vivre ensemble », l’entreprise doit être pédagogue et adapter ses discours à tous ses publics.

Faire de l’entreprise un locuteur collectif cohérent
Toute communauté de métiers ou de fonctions possède sa propre compréhension des valeurs de l’entreprise, de ses objectifs, de sa stratégie. Traversée par autant de langages que de communautés-métiers ou communautés-fonctions, l’entreprise prend parfois des allures de tour de Babel où tous les langages voisinent, sans nécessairement toujours se comprendre. Langages technologiques, langages juridiques, langage client, langage marketing, langage commercial autant de langages aux grammaires et aux significations implicites propres. La conséquence directe de cette hétérogénéité des langages est une communication fragmentaire marquée par des déformations et des interprétations, des objectifs insuffisamment partagés faute d’être compris, des pertes de temps et d’efficacité de transmission d’informations, des réticences au changement, etc.
Fixer et déployer un langage accessible à tous dans l’entreprise est clairement un objectif de communication interne. Dans un environnement structurellement instable, caractérisé par des liens plus distendus que jamais entre les salariés et leur entreprise, mettre en place des stratégies de discours capables de susciter l'adhésion des collaborateurs à des valeurs ou à des projets devient un exercice difficile, mais nécessaire. Impliquer, motiver, expliquer, écouter aussi, ne peut s'envisager qu'à partir de l'identification d’un tronc commun autour duquel les salariés peuvent construire une même représentation de l’entreprise. Devoir de pédagogie donc, pour éviter le déploiement de discours insipides qui jettent sur les directions qui en usent, des formes de discrédits difficiles à contrôler une fois installés.

Limiter la fracture linguistique dans l'entreprise
Le rôle dévolu à l’entreprise par le corps social est aujourd’hui considérable. Elle sert de référence, voire de norme, à la fois culturelle et sociale à des individus parfois en mal de repères. Elle occupe tout simplement la majeure partie de leur temps actif de veille, elle est donc lieu de travail mais aussi d’échange, de vie, de partage, etc. Elle est le lieu d’attentes, de besoins, de désirs et de représentations qui excèdent parfois la seule sphère de l’efficacité économique. Ce rôle singulier — et bien involontaire — de l’entreprise détermine de plus en plus ses relations avec toutes ces parties prenantes.
La fracture linguistique (Alain Bentolila) s’est invitée dans les relations entreprise-salariés. Dans le flot d’innovations, de mutations, de « communautarisation » qui caractérise nos sociétés « chaudes », chacun est devenu à la fois émetteur et récepteur d’informations toujours plus nombreuses ; un phénomène qui accentue la nécessité de comprendre et de se faire comprendre. Reconnaître le langage comme un vecteur clé de la pédagogie dans l’entreprise constitue un véritable enjeu si l’on veut éviter une babélisation de la communication interne.

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