mardi 15 juillet 2008

Relation clients : les enjeux de communication écrite

par Jean Laloux

Le Minefi a récemment décidé d’engager un programme de sensibilisation de certains de ses collaborateurs à la grammaire, à l’orthographe ainsi qu’à la maîtrise des fondamentaux de la syntaxe. Cette louable initiative m’inspire cependant des sentiments contradictoires.
D’un côté, l’Etat se soucie de la manière dont ses agents maîtrisent leur langue à l’écrit. Bravo. Il se soucie de la manière dont sont perçus ses contenus informatifs et épistolaires. Encore bravo. Mais que révèle cette initiative, en apparence si sympathique ? Au vrai, deux choses : que le niveau de maîtrise de la langue dans les institutions est tout simplement dramatique ; que le milieu professionnel pallie l’échec retentissant d’un mode d’apprentissage de la langue dès le plus jeune âge.

Cette déconfiture, qui fait les beaux jours des formateurs en orthographe et en grammaire, affecte bien évidemment l’ensemble de la société comme elle affecte la communication des entreprises.

Amusant ou inquiétant ?
Me revient une anecdote vécue lors d’une mission chez un FAI. Les conseillers devaient, dans le cadre de la gestion de la réclamation clients, sensément transmettre les valeurs de l’entreprise à travers leurs discours écrit et oral. Exercice difficile, mais possible, qui exige une relative contiguïté avec les mots et leur sens. C’était évidemment sans compter l’adoption par certains collaborateurs du langage texto comme mode d’expression écrite ! C’est ainsi que des prouesses orthographiques insoupçonnées ont pu être découvertes. Par exemple, « il faut », orthographié « il fo » ! Ou comment ruiner les efforts d’une entreprise qui souhaite diffuser vers ses clients un positionnement, une identité singulière et des valeurs via un des points de contact les plus sensibles et les plus stratégiques avec le client. La gestion de la réclamation.

De la déploration au pragmatisme ou la fin de l’illusion de beau style

Trêve de lamentations inutiles, l’essentiel est ailleurs. La disparité du niveau de maîtrise de langue entre les individus ne date pas d’aujourd’hui, et le meilleur système d’apprentissage du monde n’y changera rien — ou pas grand-chose.

Du point de vue qui nous occupe, il y a plus intéressant. S’interroger sur la mise en place d’outils pérennes pour accompagner au quotidien les collaborateurs de l’entreprise en charge de la relation écrite clients. Objectif : exiger le plus haut niveau de qualité compatible avec des volumétries de traitement qui nous rapproche davantage de l’industrie — fût-elle tertiaire — que des salons de Mme de Sévigné.

La transaction langagière, support de la transaction commerciale

Les entreprises mesurent-elles toujours l'importance du langage dans la gestion leur relation client à l'écrit comme à l'oral ? La réponse varie selon les entreprises et les secteurs. Automobile, banque et assurance ne brillent pas par la proximité et l’empathie manifestées, alors même que la gestion des risques (médiatiques, juridiques, commerciaux) dans la réponse apportée au client n’est pas toujours parfaitement sécurisée. Gageons que la croissance très rapide de la gestion de la réclamation par mail ne va rien arranger…

Un enjeu de traduction d’identité

La préservation de l'image d'une entreprise passe, entre autres, par des critères d'expression écrite et orale. Les entreprises sont ainsi de plus en plus nombreuses à chercher à valoriser la qualité de leur contenu et de leurs discours en vue d’en faire un véritable levier de différentiation et de fidélisation.

Des solutions de bons sens… et de spécialistes du langage
Certains actes de langage qui relient l’entreprise à son client expriment une question ou une demande, d'autres une confirmation ou une réponse, d'autres encore une intention (promesse, menace), un désir ou un besoin (demande, ordre, prière), un plaisir (accueil d'un nouveau client, accord à une demande). Pour se repérer et trancher entre différents choix d'énonciation, des classifications permettent de sélectionner des actes de langage ad hoc.
Informer le client d'une décision ou d’une nouvelle offre de service ; lui expliquer le fonctionnement d'un produit, la présentation d'une facture ; le rassurer en cas de non-satisfaction ; s'excuser en cas d’erreur ou de dysfonctionnement responsable ; fidéliser le client churner ou celui qui manifeste l’envie d’aller voir ce qui se passe du côté de la concurrence, etc. Dans toutes ces situations de communication, le choix des mots, des formulations, des modalisations traductrices d'empathie, d'implication et de personnalisation sont décisives. Or, quel est le constat ? En dehors du terme d'accueil (Madame, Mademoiselle, Monsieur, Bonjour pour le mail) et une formule de politesse souvent inadaptée au contenu de la réponse, la structure et la syntaxe des courriers et des mails, comme des échanges téléphoniques, exige le plus souvent d'être revisitée, voire tout simplement définie.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur…
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