lundi 8 juin 2009

Quand les MBA redécouvrent le facteur humain

par Charles Muller

Dans la Tribune.fr du 4 juin 2009, Julie Battilana, professeur assistant à la Harvard Business School, évoque la nécessité de repenser les contenus des cours enseignés dans les MBA. Ces Masters of Business Administration, dont les programmes sont encadrés par l’Association to Advance Collegiate Schools of Business, sont suivis chaque année par 216 000 étudiants dans le monde, et forment une référence dans le monde des affaires. Ils n’ont pas échappé à la crise, puisque parmi les titulaires de MBA on compte Rick Wagoner, qui a conduit General Motors à la faillite, John Thain, ex-n°1 de la banque Merrill Lynch, ou encore Richard Fuld, qui présida aux destinées de Lehman Brothers…

La grégarité des enseignements des MBA mise en cause
Julie Batillana dresse notamment le constat suivant à propos des enseignements des MBA : « La crise nous impose donc de repenser leur contenu. Si l'utilité des modèles financiers qui y sont enseignés n'est pas en cause, il convient d'en assurer une utilisation informée de leurs limites, notamment des hypothèses sur lesquelles ils s'appuient concernant les comportements et les préférences des acteurs. (…) Des enseignements transdisciplinaires, mobilisant autant des professeurs de finance que des professeurs spécialistes de l'étude des comportements humains au sein des organisations, permettraient sans doute de mieux mettre en évidence l'efficacité et les limites aussi bien des modèles financiers que des modèles de leadership que nous enseignons. »

Vers une vision plus complexe (et une organisation plus efficace) de la rationalité des acteurs économiques
Ce constat rejoint une critique intellectuelle de fond, menée depuis plusieurs années, sur le modèle « canonique » du comportement des acteurs économiques. De nombreux chercheurs, dont les prix Nobel Daniel Kahneman et Vernon L. Smith, ont montré que l’économie aussi bien que la finance ne sont pas nécessairement les terrains d’une « rationalité pure » et que de nombreux biais cognitifs y affectent les décisions, malgré l’impressionnante et formelle mathématisation des modèles. Toutes proportions gardées, ces observations rejoignent aussi les conclusions de l’étude que nous venons de publier sur le rôle des valeurs au sein des entreprises, et in fine la prise en compte du facteur humain dans les organisations managériales et les décisions stratégiques. Croire qu’un collaborateur de l’entreprise – quel que soit son niveau dans la hiérarchie – adopte comme par enchantement une cognition et un comportement strictement alignés sur de purs enjeux de rationalité économique est une illusion fondamentale sur la nature humaine. Et une illusion dangereuse pour la pérennité et l’efficacité des organisations.

Sur le même thème, voir aussi Caroline Talbot, MBA : les universités américaines revoient leur copie, in LesEchos.fr du 8 juin 2009
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