Dans la multitude des écrits qui paraissent sur Internet depuis quelques années, rares sont ceux parviennent à concilier un sens efficace de la synthèse avec une certaine ampleur de vue dans les perspectives. Le livre de Benoît Sillard paru la semaine dernière s’inscrit dans cette catégorie : si vous avez envie de comprendre ce que l’Internet change en profondeur dans nos existences, nos actions et nos représentations, sa lecture est tout indiquée.
Son auteur connaît son sujet. Côté privé et business, il est aujourd’hui président directeur général de CCMBenchmark Group dont les sites (Comment ça marche, l’Internaute, le Journal du Net…) figurent dans le top 100 mondial de la fréquentation. Côté public et politique, il a été délégué interministériel aux usages de l’Internet (PC étudiant à 1 euro, Internet accompagné à domicile, etc.). Aucune dimension du réseau ne lui est donc étrangère. Maîtres ou esclaves du numérique propose, en onze chapitres denses, un tour d’horizon de la « civilisation numérique » en émergence.
Pour Benoît Sillard, l’invention et l’extension de l’Internet se comparent à celles de l’imprimerie. Voici cinq siècles, l’outil de Gutenberg n’a pas seulement remplacé plus efficacement les copistes : il a bouleversé les croyances (diffusion de la Réforme, puis de l’athéisme), la connaissance (construction des sciences expérimentales, échange des idées), la politique (presse et opinion publique, progression des idées démocratiques et révolutionnaires), la fiction et l’expression de soi (naissance du roman, diffusion des récits historiques nationaux). Internet, plus largement les réseaux numériques interconnectés et accessibles sur écrans, représente le même bouleversement en cours. Ceux qui y voient un « gadget » de plus s’ajoutant aux médias se trompent du tout au tout : non seulement le numérique intègre et dépasse tous les anciens médias, mais il représente une nouvelle lecture et écriture du monde. Cela à une vitesse sidérante : les « digital natives » nés après 1980 ne vivent plus tout à fait sur la même planète que leurs parents ou grands-parents, l’écran numérique est l’interface naturelle, spontanée, permanente de leur rapport aux autres et au monde. L’explosion inattendue des réseaux sociaux doit se lire, selon Benoît Sillard, comme un épiphénomène d’une tendance de fond, d’une révolution sans violence : les tribus remplacent les masses, les réseaux horizontaux prolifèrent tandis que chancellent les pyramides verticales, la connaissance partagée explose face aux vieux savoirs spécialisés et concentrés, les mondes virtuels se propagent en parallèle du monde réel commun, non sans le modifier de multiples manières.
Les questions proprement économiques font l’objet de plusieurs chapitres. Ils permettront de comprendre des enjeux de première importance pour bon nombre d’entreprises qui ont parfois du mal à produire leur mue 2.0 quand il faut déjà préparer la métamorphose 3.0 : comment le « social knowledge » (web collaboratif et participatif) modifie la communication interne et le partage de savoirs stratégiques ? Pourquoi réputation et notoriété deviennent la base du capital de confiance des cadres, dirigeants, marques et entreprises ? Que faire pour profiter du plébiscite du gratuit face au payant ? Comment la propriété intellectuelle, base du capitalisme cognitif, peut évoluer dans les années à venir ? Qu’est-ce qui permettra la création de valeur quand les flux informationnels prennent une part prépondérante dans la conception, production et différenciation des éléments matériels ?
Chaque chapitre se termine par une « nouvelle » imaginant la vie possible en 2049 – si l’un des scénarios dressé dans le livre se réalise et si le numérique a bel et bien continué de transformer nos existences individuelles et collectives. L’auteur invite ses lecteurs à construire leurs propres scénarios et à en débattre sur le Journal du Net. Et envisage prochainement une mise en ligne évolutive de son texte, permettant à tous d’en suggérer des modifications en fonction de ses connaissances et expériences. Car c’est aussi cela l’Internet : chacun peut s’approprier et modifier le flux global de l’information. L’essai de Benoît Sillard n’est pas à découvrir, mais aussi à partager et transformer!
Référence : Sillard B (2011), Maîtres ou esclaves du numérique ? 2049 : Internet, notre second cerveau, Eyrolles, 246 p, 17 euros.
Nota : les bonnes feuilles du livre paraissent en feuilleton sur le Journal du Net
http://www.journaldunet.com/ebusiness/
Son auteur connaît son sujet. Côté privé et business, il est aujourd’hui président directeur général de CCMBenchmark Group dont les sites (Comment ça marche, l’Internaute, le Journal du Net…) figurent dans le top 100 mondial de la fréquentation. Côté public et politique, il a été délégué interministériel aux usages de l’Internet (PC étudiant à 1 euro, Internet accompagné à domicile, etc.). Aucune dimension du réseau ne lui est donc étrangère. Maîtres ou esclaves du numérique propose, en onze chapitres denses, un tour d’horizon de la « civilisation numérique » en émergence.
Pour Benoît Sillard, l’invention et l’extension de l’Internet se comparent à celles de l’imprimerie. Voici cinq siècles, l’outil de Gutenberg n’a pas seulement remplacé plus efficacement les copistes : il a bouleversé les croyances (diffusion de la Réforme, puis de l’athéisme), la connaissance (construction des sciences expérimentales, échange des idées), la politique (presse et opinion publique, progression des idées démocratiques et révolutionnaires), la fiction et l’expression de soi (naissance du roman, diffusion des récits historiques nationaux). Internet, plus largement les réseaux numériques interconnectés et accessibles sur écrans, représente le même bouleversement en cours. Ceux qui y voient un « gadget » de plus s’ajoutant aux médias se trompent du tout au tout : non seulement le numérique intègre et dépasse tous les anciens médias, mais il représente une nouvelle lecture et écriture du monde. Cela à une vitesse sidérante : les « digital natives » nés après 1980 ne vivent plus tout à fait sur la même planète que leurs parents ou grands-parents, l’écran numérique est l’interface naturelle, spontanée, permanente de leur rapport aux autres et au monde. L’explosion inattendue des réseaux sociaux doit se lire, selon Benoît Sillard, comme un épiphénomène d’une tendance de fond, d’une révolution sans violence : les tribus remplacent les masses, les réseaux horizontaux prolifèrent tandis que chancellent les pyramides verticales, la connaissance partagée explose face aux vieux savoirs spécialisés et concentrés, les mondes virtuels se propagent en parallèle du monde réel commun, non sans le modifier de multiples manières.
Les questions proprement économiques font l’objet de plusieurs chapitres. Ils permettront de comprendre des enjeux de première importance pour bon nombre d’entreprises qui ont parfois du mal à produire leur mue 2.0 quand il faut déjà préparer la métamorphose 3.0 : comment le « social knowledge » (web collaboratif et participatif) modifie la communication interne et le partage de savoirs stratégiques ? Pourquoi réputation et notoriété deviennent la base du capital de confiance des cadres, dirigeants, marques et entreprises ? Que faire pour profiter du plébiscite du gratuit face au payant ? Comment la propriété intellectuelle, base du capitalisme cognitif, peut évoluer dans les années à venir ? Qu’est-ce qui permettra la création de valeur quand les flux informationnels prennent une part prépondérante dans la conception, production et différenciation des éléments matériels ?
Chaque chapitre se termine par une « nouvelle » imaginant la vie possible en 2049 – si l’un des scénarios dressé dans le livre se réalise et si le numérique a bel et bien continué de transformer nos existences individuelles et collectives. L’auteur invite ses lecteurs à construire leurs propres scénarios et à en débattre sur le Journal du Net. Et envisage prochainement une mise en ligne évolutive de son texte, permettant à tous d’en suggérer des modifications en fonction de ses connaissances et expériences. Car c’est aussi cela l’Internet : chacun peut s’approprier et modifier le flux global de l’information. L’essai de Benoît Sillard n’est pas à découvrir, mais aussi à partager et transformer!
Référence : Sillard B (2011), Maîtres ou esclaves du numérique ? 2049 : Internet, notre second cerveau, Eyrolles, 246 p, 17 euros.
Nota : les bonnes feuilles du livre paraissent en feuilleton sur le Journal du Net
http://www.journaldunet.com/ebusiness/
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