mardi 3 mai 2011

Et si vous répariez vos “vitres cassées”… Bien commun et performance collective

L’entreprise est un lieu de coopétition, c’est-à-dire de coopération interne en vue d’une compétition externe. Elle a donc beaucoup à apprendre des théories de la coopération qui passionnent depuis longtemps les théoriciens de l’évolution, du comportement et de la cognition. Le fait est certain : les humains sont une espèce sociale et coopérative, mais dans certaines limites.

Michael Kurschilgen, Christoph Engel et Sebastian Kube (Institut Max Planck de recherche sur les biens publics) ont choisi un jeu couramment utilisé en analyse des comportements économiques. Les joueurs sont placés dans une situation de choix entre coopération et compétition : dotés au départ de 20 jetons, ils peuvent soit les investir dans un projet commun (ce qui rapporte jusqu’à 32 jetons en cas de coopération complète), soit faire défaut et jouer cavalier seul (ce qui peut rapporter au joueur le plus égoïste jusqu’à 44 jetons si tous les autres coopèrent, mais ce qui ne rapporte rien si tout le monde fait défaut). Dérivé du célèbre “dilemme du prisonnier”, ce jeu met en action le conflit entre une pulsion altruiste/coopérative qui profite à chacun par la recherche du bien commun, et une pulsion égoïste/compétitive qui fait envisager un gain personnel substantiel au détriment du bien commun. Il suffit d’un cavalier seul (free rider) pour que la stratégie altruiste soit pénalisée à son seul bénéfice. C’est donc une question de confiance…

Les trois chercheurs ont testé cette confiance sur deux groupes de volontaires, l’un vivant à Londres, l’autre à Bonn. Première surprise : le climat psychologique n’est pas vraiment le même dans les deux pays puisque les Anglais ont investi 43 % de leur dotation initiale dans un projet commun contre 82 % pour les Allemands ! À l’évidence, l’arrière-plan culturel détermine le degré de confiance que nous plaçons dans les autres. Kurschilgen et ses collègues ont ensuite reproduit l’expérience avec le groupe allemand tout en avertissant les joueurs que de très mauvais scores étaient possibles. Cette information nouvelle a fait chuter l’altruisme : les vertueux groupes de Bonn n’ont plus investi que 51 % de leur dotation dans le bien commun.

« Ce type de résultat confirme les théories de la “vitre cassée” dans le domaine des incivilités urbaines », notent les chercheurs : quand on reçoit une information qui n’inspire pas confiance (ici la vitre cassée), on aura tendance à faire défaut plus facilement et à ignorer le bien commun. Mais ces travaux sont aussi extrapolables au management et à la communication de l’entreprise. Ici, les “vitres cassées” pourront être un excès de langage, une entorse aux bonnes pratiques managériales, une contradiction entre les propos et les actes, un déficit de civilités… n’importe quelle information négative qui va miner la confiance des parties prenantes et nourrir des stratégies internes purement égoïstes, et donc nuisibles à la performance collective !

Référence : Engel C., Kube S., Kurschilgen M (2011), Can we manage first impressions in cooperation problems ? An experimental study on « Broken (and Fixed) Windows », prépublication de l’Institut Max Planck de recherche sur les biens publics (Bonn), avril.
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