Plusieurs décennies de littérature managériale appuient le constat suivant : les collaborateurs qui bénéficient d'une certaine autonomie – c'est-à-dire qui se sentent libres et responsables dans leurs choix professionnels − sont plus satisfaits et plus productifs. Le développement d’Internet a accru la demande comme l’offre d’autonomie depuis dix ans, grâce à une circulation des informations permettant à chacun de gérer ces flux de manière plus flexible dans l’espace et le temps, pourvu qu’il dispose d’un terminal numérique.
L'autonomie peut prendre différentes formes : permettre aux salariés d’établir leur emploi du temps, de choisir le mode d'exécution de leurs tâches, voire travailler à domicile. En général, cette liberté donne des résultats impressionnants : plus grande implication du personnel, hausse du rendement, accroissement de la productivité, ralentissement du roulement, etc.
Un problème cependant : cette littérature managériale mesurant de si bons résultats provient très largement des Etats-Unis ; or, il n'existe aucune définition universelle, transculturelle, de l'autonomie. Ce qui est perçu comme de la liberté d'action dans un contexte donné peut être considéré ailleurs comme de la désorganisation pure et simple. C'est ce que rapporte notamment un nouvel ouvrage sur l'autonomie au travail dont un chapitre (Autonomy in the Workplace: An Essential Ingredient to Employee Engagement and Well-Being in Every Culture) a été rédigé par Marylène Gagné et Devasheesh Bhave (École de gestion John-Molson, Université Concordia, Canada).
« L'autonomie est importante dans chaque culture, précise Marylène Gagné. Le sentiment de liberté a des effets très positifs sur les employés. Cependant, il ne suffit pas d'exporter les méthodes d'autonomisation nord-américaines pour qu'elles fonctionnent dans n'importe quel contexte culturel. » Elle observe par exemple que l'autonomie stimule particulièrement l'efficacité lorsque la tâche est complexe et nécessite davantage de créativité, mais dans un travail plus répétitif, la liberté d'action n'a pas beaucoup d'impact sur la productivité. De même, certaines cultures considèrent une latitude de la direction vis-à-vis des salariés comme une marque de faiblesse ou d’incertitude, plus démotivante qu’autre chose.
Les entreprises évoluent de plus en plus dans des contextes multiculturels, soit en raison de la mondialisation, soit en raison de la diversification ethnique des populations nationales. Pour beaucoup d’entre elles, et passé une certaine taille critique, un diagnostic culturel et identitaire est sans doute un préalable utile pour comprendre la réceptivité des plans de changement et des orientations managériales chez les collaborateurs. « Il n'existe pas de panacée », rappelle Marylène Gagné : un ajustement fin à la réalité et complexité de chaque entreprise est indispensable.
Référence : Chirkov VL, Ryan RM, Sheldon KM (dir.) (2010), Personal Autonomy in Cross-Cultural Context: Global Perspective on the Psychology of Freedom and People's Well-Being, Springer.
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