samedi 19 décembre 2009
L’échec de Copenhague et les contradictions de la RSE
jeudi 17 décembre 2009
LaboCom >11< Quand l’overdose d’informations menace
mardi 15 décembre 2009
LaboCom >10< Effet Pygmalion : une clé pour le management du changement
samedi 12 décembre 2009
LaboCom >9< Quand pouvoir et incompétence rendent agressif…
mercredi 9 décembre 2009
LaboCom >8< Croyez-moi, je ne sais pas de quoi je parle !
Des volontaires ont été amenés à réagir devant trois types de jugements concernant la qualité d’un restaurant. L’émetteur du jugement était tantôt un novice, tantôt un expert ; le contenu du jugement, tantôt marqué par la certitude (positive ou négative), tantôt par l’incertitude.
Les volontaires se sont montrés plus sensibles et plus intéressés par la dissonance entre la source et le propos. En d’autres termes, un parfait novice qui s’exprime avec une forte conviction, et un expert reconnu qui manifeste une opinion empreinte de doute, se montrent les plus efficaces pour retenir l’attention et convaincre.
« Dans le contexte d’une analyse de produit ou de service, être confiant dans votre opinion ne signifie pas nécessairement que vous serez convaincant, concluent les auteurs. Paradoxalement, un expert pourra convaincre plus de gens s’il devient modeste ou admet l’incertitude de ses opinions ». Mais ils précisent : « Pour que toute cette attention soit payante en dernier ressort, il faut toujours avoir de bonnes raisons de soutenir ses opinions ». La meilleure stratégie d’influence finit toujours par se heurter au mur de la réalité…
Référence : Karmarkar UR, ZL Tormala (2009), Believe me, I have no idea what I'm talking about : The effects of source certainly on consumer involvement and persuasion, Journal of Consumer Research, e-pub, doi : 10.1086/648381
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lundi 30 novembre 2009
L'éthique, l'entreprise et la communication selon Michela Marzano
- « La recherche effrénée de valeurs comme la multiplication des chartes éthiques au sein de l'entreprise dénote, selon moi, une volonté de donner des réponses immédiates aux questionnements actuels, individuels et/ou sociaux. D'une certaine manière, il semble que l'on "fasse" de l'éthique comme de la publicité ou de la communication. Ce n'est pas possible dans un domaine qui, au contraire, exige une véritable réflexion de fond. »
- « La mission prioritaire de l'entreprise est de se concentrer sur son activité, non pas de produire des discours éthiques. Nombre d'entre elles tiennent à se présenter, à l'heure actuelle, comme des "institutions totales", c'est-à-dire jouant un rôle autant dans la sphère économique, politique, sociale, qu'environnementale. Doivent-elles prendre à leur charge le rôle défaillant de l'Etat, la crise sociale et familiale, les problèmes climatiques ? La conjoncture actuelle et les récentes faillites économiques tendent à démontrer le contraire. »
- « Il existe des lois nationales et internationales qui régulent la société et son rapport avec l'autre ou l'environnement. Ces lois doivent être respectées à la lettre par les entreprises ; elles ne doivent surtout pas être réécrites ou interprétées au sein de chartes éthiques. Le danger est là : édicter des lois à sa mesure et s'affranchir de la morale et de la politique... »
- « Plus que de se précipiter sur la conception de chartes éthiques et créer des documents à l'utilisation toute relative, peut-être vaudrait-il mieux pour une entreprise se consacrer aux questions cruciales du management. Il est urgent d'engager une réflexion de fond sur les modes de management pour en comprendre les limites et ainsi parer les conséquences actuelles : démotivation, suicide des salariés... »
- « D'une certaine manière, c'est donner au salarié une recette de vie et insinuer peu à peu qu'épanouissement personnel et réussite professionnelle vont de pair. Un rapprochement dangereux qui est source de confusion actuelle car réussir sa vie se réduit à réussir professionnellement... »
- « Aujourd'hui, nombre de chefs d'entreprise se posent des questions dont celles de remotiver leurs salariés. La plupart d'entre eux restent sur l'idée que la motivation ne peut naître que d'une adhésion totale à l'entreprise, qu'elle-même doit être porteuse de sens. Personnellement, je pense qu'un changement plus profond des mentalités doit se faire jour. Si l'importance du travail dans la vie de chacun est fondamentale, cela ne signifie pas qu'elle est tout. »
- Les codes éthiques et règles de comportement dans le monde de l’entreprise ne visent en aucun cas à se substituer à la loi générale, nationale ou internationale. Il va de soi qu’un règlement interne contraire à ces lois serait susceptible d’être contesté devant les tribunaux et légitimement annulé. Au contraire, la loi (notamment dite de « responsabilité sociale des entreprises » en France) exige le respect d’un certain nombre de règles et de référentiels. Il est par conséquent recevable que l’entreprise choisisse, par la formulation d’un code éthique ou comportemental, le meilleur moyen de parvenir en son sein au respect de ces règles et référentiels (ISO, par exemple). Plus généralement, il paraît également légitime (et conforme à une certaine idée de la transparence) qu’un groupe précise à ses membres les normes minimales d’un vivre-ensemble (pour l’éthique générale) ou du travail (pour l’étique des affaires : confidentialité, refus de la corruption, etc.). Si l’on prenait Michela Marzano au mot, on pourrait dire qu’une école, un hôpital ou une association n’a pas à se doter de règlement interne car il existe déjà des lois pour encadrer les comportements, les opinions, les activités qui s’y expriment. Or, de nombreux acteurs privés (mais aussi des acteurs publics, institutionnels et territoriaux) éprouvent le besoin de rappeler leurs normes de bonne conduite, par exemple à travers des engagements qui portent le témoignage du « sens » donné à l’action de ses membres.
- Nous partageons entièrement l’idée que l’entreprise se fourvoie si elle prétend devenir une « totalité » englobant toutes les dimensions de la vie de ses collaborateurs, ou bien exigeant d’eux le sacrifice de leur vie privée et de leurs convictions personnelles. Cette critique peut cependant vite confiner à la caricature. Inversement, Michela Marzano n’aura sans doute pas de difficultés à reconnaître que l’entreprise dans sa réalité quotidienne n’est pas un simple groupe fonctionnel, une addition d'atomes individuels se croisant pour accomplir mécaniquement des tâches purement abstraites. En tant que groupe, l’entreprise a une histoire, une vision, un imaginaire, une culture… des valeurs. Et les relations qui s’y nouent, si elles ont pour motif initial la production de biens et de services, excèdent toujours ce productivisme « froid ». D’un côté donc, un certain discours critique sur « l’horreur économique » (obsession des seules productivité, rentabilité, profitabilité…) ; de l’autre, l’entreprise appelée à se limiter à sa fonction économique et productive… de quoi rendre schizophrène !
- Ajoutons sur ce point, que l’incontestable tendance des entreprises à se revendiquer, plus ou moins consciemment, « fait social total » (Marcel Mauss), vient en partie de la demande sociétale elle-même. Il faudrait du reste distinguer le discours corporate d’une entreprise, des discours de marques. Ces derniers assument en effet davantage cette revendication en proposant des narrations qui sont autant d’identifications possibles de l’individu à une aspiration, un désir, une projection de soi, une vision du monde, etc. L’effacement des corps intermédiaires – en quasi voie d’extinction et que les réseaux sociaux rêvent de remplacer – a mis l’entreprise face à un faisceau d’injonctions : être transparente, respectueuse de ses salariés, de toutes ses parties prenantes et aussi de l’environnement, sans oublier le respect des principes d’équité et de diversité, de responsabilité des projets et des actions aux yeux des médias en particulier, impliquée dans la vie de la cité, accueillante et sécurisante mais aussi capable d’investir et de prendre des risques, etc. Ces injonctions multiples et souvent contradictoires ont, sans doute à tort, porté les entreprises à vouloir y répondre plutôt que d’assumer une réalité nourrie de vérités parfois incompatibles avec un plan de com’… Ce « fait social total » que serait devenue l’entreprise est sans doute aussi à rechercher du côté d’une organisation sociale qui, en privilégiant la fonction économique sur toutes les autres, y compris le politique, a mécaniquement placé entre les mains des acteurs économiques le devoir d’être cause efficiente et cause finale.
- Opposer valeurs et management est une erreur, puisque le management par les valeurs est une réalité dans nombre d’entreprises. Cette forme de management peut offrir une alternative crédible à un management par objectif ou un « management par la terreur ». Quand une entreprise se dote de valeurs à partir d’un examen critique de ses propres pratiques, elle indique simplement à ses collaborateurs et à l’ensemble de ses parties prenantes dans quel état d’esprit et selon quelles modalités elle entend accomplir sa mission. Du point de vue du salarié, il vaut mieux connaître les attentes des entreprises afin de choisir la mieux adaptée à sa propre personnalité et à ses propres attentes. Les valeurs constituent donc des repères structurants à l’intérieur comme à l’extérieur de l’entreprise. Le jargon des communicants parle, par exemple, de « marque employeur » pour désigner une identité dans laquelle de futurs collaborateurs peuvent se reconnaître.
- Mais bien sûr, un discours des valeurs artificiellement plaqué sur une entreprise se traduira par des effets contre-productifs (démotivation, cynisme, double langage et dissonance cognitive, etc.). Il est exact que certaines entreprises adressent à leurs collaborateurs des injonctions contradictoires ou incompatibles. Par exemple, un discours de valorisation de l’autonomie et de la flexibilité associée à une pratique de respect de la hiérarchie, de reporting exagérément précis et contraignants, d’absence d’initiatives et de répétitivité des actes. Mais de telles contradictions ne permettent nullement de conclure que tout discours sur les valeurs et l’éthique est caduc ! Cela signifie simplement que certaines entreprises en sont restées au stade cosmétique des valeurs (une sorte de value-washing, comme on parle de greenwashing), se mentant à elles-mêmes et pensant que des jeux de langage et quelques « accroches » suffisent à masquer les réalités. Il est certain que de telles entreprises n’auront guère de crédibilité dans leurs discours éthiques et axiologiques ; et qu’elles auront au final bien plus de difficulté à obtenir de leurs collaborateurs une adhésion réelle à leur vision (l’exemple Enron cité par Michela Marzano).
- Enfin, en appeler à un « changement plus profond des mentalités » pour remotiver les salariés sur d’autres bases que « l’adhésion totale à l’entreprise » ou rappeler que le « sens » dans l’entreprise doit consister à « fixer un cap à longue échéance […] seul moyen d’établir les conditions d’une relation de confiance sans oblitérer la possibilité de contraintes et d’imprévus pour arriver à son but. […] » ou encore en appeler à éveiller « un véritable changement anthropologique, […] à savoir que tout un chacun est faillible… même le pdg ! », l’objectif paraît bien lointain du point de vue de l’entreprise dont le tropisme est l’opérationnalité avant tout… d’autant plus lointain que cette entreprise devrait désormais, selon Michela Marzano, se recentrer exclusivement sur sa seule fonction économique, de sorte qu’elle devrait, en bonne logique, rester sourde à ces questions de sens et de vision !
vendredi 27 novembre 2009
LaboCom >7< Souriez, vous êtes influents !
Trois chercheuses en donnent un exemple à travers une expérience impliquant des sujets à la recherche d’un appartement à acheter. Ces derniers devaient donner leur opinion (achat probable ou non) selon deux critères définis par eux comme prioritaires : le prix et la clarté. Dans un tiers des cas, on a seulement montré aux participants les photos de l’appartement. Dans les deux autres tiers, ces photos étaient précédées par la photo d’un visage de face, soit souriant, soit triste. Les chercheurs ont enregistré le temps de réaction des volontaires, ainsi que le potentiel évoqué N200 (signale électrique qui précise le traitement cérébral de l’information). Résultats : la présentation des visages exprimant un sentiment marqué – quel qu’il soit – accélère la prise de décision positive ou négative ! De plus, le potentiel N200 est plus net face à des émotions positives et associé à des prises de décision plus rapides selon le critère prix (mais pas clarté).
Nos attitudes influent donc très probablement les processus de prise de décision de nos interlocuteurs, au-delà des contenus purement formels et rationnels des échanges que nous avons avec eux. Une touche d’émotion serait donc bénéfique aux affaires… qu’on se le dise !
Références : Steffen AC, Rockstroh, B, Jansma, B, Brain evoked potentials reflect how emotional faces influence our decision making, Journal of Neuroscience, Psychology and Economics, 2 (1), 2009, 32-40, doi:10.1016/j.biopsycho.2007.01.006
mardi 17 novembre 2009
LaboCom >6< Le syndrome du chercheur d’or
Cette recherche rappelle notamment la nécessité de dresser des cartographies cognitives et sémantiques des données présentes dans l'environnement de l'entreprise. De ce point de vue, la gestion qualitative des connaissances – et non plus seulement quantitative – constitue une authentique démarche d’aide à la décision.
Référence : Glover SM (2009), Propaganda, public information and prospecting : explaining the irrational exuberance of central place foragers during a late nineteenth century Colorado silver rush, Human Ecology, doi : 10.1007/s10745-009-9270-1
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mardi 10 novembre 2009
LaboCom >5< Votre entreprise est-elle préparée aux “tweets” ?
Trois chercheurs (Bernard Jansen, Mimi Zhang, Kate Sobel) et le directeur scientifique de Twitter (Abdur Chowdhury) viennent d’étudier un demi-million de tweets. Il en ressort que 19 % d’entre eux contiennent des informations relatives à une marque. Parmi ceux-ci, 20 % expriment un jugement de valeur vis-à-vis de la marque, positif dans la moitié des cas et négatif dans le tiers. Selon les auteurs de l’étude, dans la mesure où Twitter développe une microcommunication interpersonnelle au plus proche de l’utilisateur, son impact sur la réputation des marques pourrait être déterminant.
A l’heure où, tendanciellement, la maîtrise de leur réputation leur échappe de plus en plus, les entreprises auraient avantage à connaître les grands schémas discursifs et mentaux qui organisent les représentations de leurs parties prenantes. Un travail de veille sémantique, en quelque sorte, pour mieux anticiper et construire du sens à défaut de pouvoir le maîtriser.
Référence : Bernard J. Jansen et al. (2009), Twitter power : Tweets as electronic word of mouth, Journal of the American Society for Information Science and Technology, doi : 10.1002/asi.21149
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mardi 3 novembre 2009
LaboCom >4< Par qui remplacer un mauvais dirigeant ?
Les trois chercheurs ont analysé la prise de décision dans plusieurs situations : investissements financiers, choix personnels, enchères. Dans les trois cas, ils ont mis en évidence un phénomène appelé « piège par procuration » : nous sommes portés à ne pas nous éloigner des décisions initiales que nous avons observées chez un proche, même si nous perdons de l’argent en agissant ainsi.
Commentaire des auteurs : « Nous savons que les humains sont des êtres sociaux destinés à chercher des attaches et des connexions aux autres. La recherche a montré que quand deux personnes nourrissent des liens psychologiques réciproques, ils sont portés à coopérer et s’aider financièrement. Mais notre travail suggère qu’ils sont aussi susceptibles de surenchérir sur leurs mauvaises décisions ». Une autre lecture possible des conséquences observables de la relation entretenue au sein de France Telecom entre Didier Lombard et son ex-n°2, Louis-Pierre Wenes. Le choix de Stéphane Richard aurait-il été guidé par cette étude ?
Références : Galinsky A., Gunia B. (2009), Vicarious entrapment : Your sunk costs, my escalation of commitment, Journal of Experimental Social Psychology, doi : 10.1016/j.jesp.2009.07.004
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mardi 27 octobre 2009
LaboCom >3< Suicide au travail : une synthèse au-delà de l’actualité
L’amour et le travail sont deux domaines de l’existence où les individus trouvent des accomplissements majeurs. Mais ce sont aussi deux domaines fréquemment associés à des facteurs de stress, dont certains représentent une menace pour la vie elle-même. Le milieu professionnel est spécifiquement associé au stress pour de nombreuses raisons : insécurité de l’emploi, mutations rapides du cadre de travail, compétition entre individus, services ou groupes, mobilisation cognitive intense. Cela peut entraîner des affections psychologiques (perte d’estime de soi, sentiment d’infériorité ou d’inutilité, peur de l’incertitude) manifestations psychosomatiques (par exemple insomnie, anxiété, dépression) ainsi que des conséquences professionnelles (désintérêt pour son travail, absentéisme, baisse de performance). Il est à noter que le chômage est lui aussi fortement associé aux troubles psychiatriques comme à la mortalité par suicide.
Une inégalité démontrée face au suicide
Les troubles de l’humeur sont répandus dans la population générale et représentent une perte importante de productivité dans le monde du travail. On estime ainsi que 4 à 10 % des employés souffrent de dépression caractérisée (épisode dépressif majeur), 1 à 2 % de trouble bipolaire. Les femmes sont deux fois plus concernées que les hommes. Le lien entre l’augmentation tendancielle du stress sur le lieu de travail et la hausse observée des dépressions et des suicides a été proposé par certains auteurs (Mausner-Dorsch et al 2000, Steven 2000, Melchior et al 2007), mais le rapport direct de causalité n’est cependant pas établi. Il a été montré que les taux de dépression et de suicide varient selon les types d’emplois, avec certaines professions à haut risque. Pour la dépression : service de santé, travail social, éducation, restauration ; pour le suicide, professions juridiques, dentistes, artistes, mécaniciens, garagiste, travail du bois (les taux de suicide les plus élevés s’observent cependant dans les professions ayant accès à une arme – police, armée – ou à des substances toxiques – personnel médical –, ainsi que dans le monde rural et agricole).
Les 6 causes possibles du suicide au travail
On peut classer dans six catégories les facteurs du milieu professionnel ayant un effet sur l’humeur et, potentiellement, sur le risque suicidaire
- Environnement chimique : le trouble est directement associé à une intoxication entraînant des perturbations neurales.
- Environnement physique : un éclairage de mauvaise qualité a des effets sur le fonctionnement cérébral (mélatoninergique, sérotoninergique) et peut être associé à des dysphories. Les expositions au bruit, à l’humidité ou à des variations thermiques sont des facteurs de stress reconnus.
- Environnement biologique : l’exposition aux virus, bactéries, parasites et agents allergènes affecte indirectement l’humeur.
- Environnement psychologique : il est bien sûr déterminant dans l’équilibre des individus. Plusieurs études longitudinales ont montré que le stress dans le cadre professionnel est un facteur de risque pour la dépression et l’anxiété, de même qu’une charge de travail excessive et des pressions extrêmes sur l’emploi du temps.
- Environnement social : les interactions de l’individu avec ses collègues et sa hiérarchie sont également déterminantes, selon qu’elles sont positives, neutres ou conflictuelles. On a montré que des rapports problématiques sont associés aux troubles de l’humeur et à la morbidité psychiatrique (suicide, mais aussi violence, menace, altercation, harcèlement sexuel).
- Travail posté et décalage horaire : les troubles du sommeil sont reconnus comme ayant un impact important sur la survenue de dépression, de trouble bipolaire et de suicide.
Que faire ?
Dans le cas du suicide en particulier, une étude prospective menée sur le suicide au travail au Japon (karo jistasu) montre que l’absence de soutien social des individus fragiles multiplie par quatre le risque de passage à l’acte, les autres facteurs déterminants étant une pression psychologique importante, une faible latitude de décision et un temps de travail élevé. Il est à noter que la moitié des victimes ont contacté un service médical pour des troubles non spécifiés, mais qu’aucun n’a bénéficié d’une consultation psychologique ni d’un traitement pour le stress, l’anxiété ou la dépression.
Comment rendre le milieu professionnel moins anxiogène et en dernier ressort moins morbide ? Chacune des six catégories évoquées peut faire l’objet d’un plan d’amélioration concertée. En outre, les Pr Woo et Postolache suggèrent plusieurs besoins communs et génériques : faire de l’amélioration des conditions de travail une priorité du management ; mener des évaluations régulières sur la base de critères partagés dans l’entreprise, et entreprendre les actions correctives si nécessaire ; associer un système de soin psychologique (les individus passent parfois plus de temps de veille au travail que chez eux) ; prévoir des programmes d’assistance pour les plus vulnérables ; développer le conseil et l’écoute (téléconseil ou présence d’un psychologue).
Au cœur de ces actions, la nécessité forte de donner du sens à l’action de l’individu au sein de sa communauté de travail et, bien souvent, de repenser la communication interne et managériale à nouveau frais.
Référence : Woo JM, TT Postolache (2008), The impact of work environment on mood disorders and suicide : Evidence and implications, Int J Disabl Hum Dev, 7, 2, 185-200.
(1) Merci au Pr. Postolache de nous avoir transmis son article.
vendredi 23 octobre 2009
Entretien avec Pierre-Yves Raccah
mardi 20 octobre 2009
LaboCom >2< Communication client : une excuse ne coûte rien
Dans le cadre de la gestion de réclamations clients motivées par des retards de livraison, l’entreprise test a évalué deux messages : 1. « Nous sommes désolés pour ce retard et vous prions d’accepter nos excuses » ; 2. « Pour vous prouver notre bonne volonté, nous vous adressons un bon d’achat d’une valeur de 5 euros ». Les clients réclamants étaient invités à réagir à la réponse reçue en retirant, ou en maintenant, le commentaire négatif laissé sur le site marchand de l’entreprise. Il a été ainsi possible de comparer l’effet des deux messages : 45 % des clients ont retiré leur évaluation négative après avoir reçu des excuses ; seuls 23 % l’ont fait après avoir reçu le bon d’achat.
Non seulement une excuse ne coûte rien, mais elle bénéficie à la réputation de celui qui consent à l’émettre. Pour créer une relation durable, un langage maîtrisé et adapté aux réelles attentes du client constitue un véritable outil de relation client.
Référence : Abeler J, Calaki J, Andree K, Basek C (2009), The power of apology, Centre for decision research & experimental economics, Discussion paper n°2009-12.
dimanche 18 octobre 2009
Sur Oliver Williamson, Prix Nobel d'économie
jeudi 15 octobre 2009
Sur les discours de la peur
lundi 12 octobre 2009
LaboCom >1< Développement durable… mais bénéfice immédiat
mardi 6 octobre 2009
Développement durable et valeur de marque
jeudi 1 octobre 2009
La tragédie des suicides et l’évolution du management
Le cabinet Inférences est né !
lundi 21 septembre 2009
Contre les discours simplificateurs
Un dossier qui intéressera tous ceux qui, épris de complexité, désespèrent de voir le réel caricaturé en bons et méchants, en bien et mal, en noir et blanc… Bref, une invitation à l’esprit de transversalité autant qu’une sensibilisation à la complexité.
mercredi 9 septembre 2009
Développement durable et entreprise verte : le rôle des valeurs
Certaines entreprises se conforment, et même dépassent les attentes des régulations environnementales, d’autres non. Mais quels facteurs entrent en ligne de compte pour expliquer cette diversité d’attitudes face au développement durable ?
L’analyse de Wu révèle que les valeurs de l’encadrement supérieur sont l’un des facteurs dominants d’explication. Viennent ensuite l’avantage compétitif en terme de différenciation d’un produit « vert » par rapport à un autre plus polluant, ainsi que la fidélisation-implication des salariés et l’accroissement de productivité pouvant résulter de bonnes pratiques environnementales. En revanche, la pression des consommateurs, investisseurs ou groupes d’intérêt n’a pas d’impact statistiquement significatif. Et la pure analyse coût-bénéfice augmente la probabilité de violer les régulations environnementales.
« Il est surprenant que l’attitude du management envers la gestion environnementale joue un si grand rôle, observe JunJie Wu. Les économistes pensent que le profit dirige les décisions, mais nous avons montré que les valeurs du management affectent tout autant les décisions de l’entreprise ».
Référence : Wu J. (2009), Environmental compliance: The good, the bad, and the super greenstar, Journal of Environmental Management, 90, 11, 3363-3381, doi:10.1016/j.jenvman.2009.05.017
jeudi 3 septembre 2009
L’économie est-elle irrationnelle ?
L’ouverture du papier est directe : « Votre entreprise a fonctionné sur le présupposé que les gens – consommateurs, employés, managers – prennent des décisions logiques. Il est temps d’abandonner cette hypothèse ». La crise financière donne évidemment l’occasion de vérifier cette proposition, elle qui a obligé Alan Greenspan lui-même, gardien de longue date d’une certaine orthodoxie, à abjurer publiquement sa croyance dans la capacité des acteurs à opérer les choix collectifs optimaux en suivant simplement leur intérêt personnel et rationnel. Mais la crise n’est que le révélateur « local » (banque et finances essentiellement) du phénomène bien plus général de nos comportements économiques.
La théorie économique standard reposait sur deux articles de foi n’ayant guère évolué depuis Adam Smith : les êtres humains font habituellement des choix rationnels ; la main invisible du marché apporte des correctifs aux éventuels déséquilibres. Le problème : cette vision ne résiste pas à l’examen des faits. Les progrès rapides accomplis dans les sciences de la cognition et du comportement montrent que les choix individuels ne sont pas toujours rationnels, tant s’en faut.
Dans leur laboratoire, Dan Ariely et ses collègues procèdent ainsi à de nombreuses expériences pour analyser les décisions et les actions des acteurs économiques. A savoir des gens tout à fait normaux, comme vous et moi, mais qui prennent parfois des décisions étranges, absurdes ou immorales.
Exemple 1 : Apple lance son i-Phone à 600 $ et, à peine deux mois plus tard, baisse le prix à 400 $. Coup de génie, grâce à « l’effet d’ancrage » : nous avons tendance à prendre une première information (quelle qu’elle soit) comme référence pour les suivantes de même nature. 400 $ est sans doute une dépense élevée pour un téléphone, même du dernier cri, mais notre raison critique se laisse abuser par la « baisse » inespérée de 200 $ par rapport au coût « de référence ».
Exemple 2 : deux groupes doivent passer des tests et réussir au mieux. L’un est contrôlé, l’autre non (les individus doivent simplement communiquer le nombre de problèmes résolus). Les membres du groupe non contrôlé auront toujours tendance à tricher, c’est-à-dire à surestimer leurs résultats. Mais si les membres d’un troisième groupe se voient demander avant l’épreuve de réfléchir à leurs croyances concernant le bien et le mal, ils tricheront moins : les valeurs fondamentales guident donc l’action… si elles sont présentes à l’esprit ! Un résultat qui confirme le rôle que peuvent jouer les valeurs dans une organisation comme l’entreprise. La même expérience où des équipes au lieu d’individus devaient s’affronter à des tests a montré que le groupe tend à favoriser la tricherie en renforçant l’esprit de revanche et de compétition au détriment du respect des règles. Un résultat qui appelle évidemment une réflexion sur les chartes d’éthique et de déontologie mises en place par les grands groupes, ainsi que sur « l’autonomie » des équipes.
Exemple 3 : deux groupes homogènes se voient offrir une offre d’abonnement à un célèbre hebdomadaire international d’économie. Première offre : internet seulement 49 € ; papier seulement 129 € ; internet + papier 129 €. Deuxième offre : internet seulement 49 € ; internet + papier 129 €. Dans le premier cas, une majorité choisit la formule internet et papier ; dans le second cas, internet seulement. Le biais a été créé dans la première offre par l’équivalence monétaire de l’offre papier et de l’offre papier+internet : au même prix, on a deux fois plus, c’est donc une bonne affaire (même si le prix est élevé et qu’initialement, on ne pensait pas trop à la version imprimée).
Exemple 4 : pour économiser 5 € sur l’achat d’un stylo à 25 €, nous sommes prêts à consacrer un quart d’heure pour nous rendre à un point de vente moins cher, alors que pour économiser 5 € sur l’achat d’un costume à 299 €, très peu feront le déplacement prenant un même quart d’heure. La dépense de temps et l’économie d’argent sont exactement les mêmes… mais pas pour notre cerveau !
La publicité et le marketing ont capté de longue date la dimension non-rationnelle de nos comportements : les marques vendent avant tout une image où la valeur d’usage et la valeur d’échange des produits cèdent la place à la valeur-signe ouverte à l’imaginaire. Et cela marche. On a par exemple montré que des volontaires préfèrent un verre de Pepsi à un verre de Coca en test aveugle, mais que les préférences s’inversent lorsque les marques sont visibles : ce n’est pas le goût qui l’emporte, mais une autopersuasion liée à une attente.
Est-ce à dire que nous sommes manipulés par notre inconscient, soumis à des biais cognitifs dans tous nos choix et incapables finalement de prendre des décisions rationnelles ? Non, et heureusement ! « De nombreuses découvertes montrent que nous sommes émotifs, myopes, aisément trompés ou distraits. Néanmoins, les entreprises qui investissent dans l’expérimentation comportementale peuvent améliorer leur prise de décision et diminuer les risques ». Car lorsqu’elle est révélée à elle-même, l’irrationalité est plus aisément combattue : l’apprentissage cognitif permet ainsi de repérer les biais les plus fréquents pour les éviter.
Et donc, si l’on vous donne le choix entre un bon de réduction gratuit de 10 € sur le site Amazon et un bon de réduction de 20 € sur le site Fnac, mais vous coûtant cette fois 8 €, vous choisissez bien sûr…
jeudi 6 août 2009
Management et RH : Des faits, pas des promesses
Référence : Montes S.D., D. Zweig, Do promises matter? An exploration of the role of promises in psychological contract breach, J. Appl. Psychology, à paraître (le texte – anglais, pdf – est téléchargeable ici)
vendredi 19 juin 2009
Le développement durable n’est pas une valeur !
Beaucoup d’entreprises sans valeurs explicites donnent parfois au développement durable (DD) le rôle d’une valeur joker. A la fois principe d’action, démarche éthique, certificat de citoyenneté, passeport pour de nouveaux horizons de la communication… le développement durable – ou la démarche RSE – est alors brandi comme l’étendard d’une cause qui engloberait à elle seule l’identité, la vision, les valeurs et la stratégie de l’entreprise. Mais disons-le tout net : le développement durable n’est pas une valeur !
Entre le durable et l’acceptable, le conflit sémantique couve…
La prise en compte grandissante des enjeux sociétaux et environnementaux par les entreprises — notamment pour des raisons réglementaires — fait désormais du DD davantage un prérequis que l’expression d’une volonté engendrée par une identité et des valeurs supposées DD-compatibles. Respecter l’environnement à chaque étape du cycle de vie d’un produit ou d’un service, favoriser l’essor de la vie professionnelle des salariés, privilégier des stratégies économiques sur le long terme plutôt que sur le court terme… Fort bien, mais quid de l’identité de l’entreprise ? Quid de ses valeurs ?
Les valeurs d’une entreprise ne sont ni des déclarations de bonnes intentions, ni des obligations réglementaires travesties en savoir-être. La maturité de l’économie de marché comme celle de toutes les parties prenantes de l’entreprise n’autorise plus le recours à des catégories trop générales, génériques et généreuses. Elle exige au contraire des réalités incarnées. D’un côté, la tentation toujours présente de donner de l’entreprise un visage lisse et sans défaut, sorte d’archétype de l’efficacité et du succès ; de l’autre, la tentation naissante de proposer une représentation de l’entreprise plus conforme à la réalité, capable de prendre en compte conflits et contradictions, écarts entre discours et actions, recherche de consensus et constat de dissensus. Le conflit sémantique entre une durabilité aux accents souvent iréniques et une acceptabilité conflictuelle par nature, est à venir…
Culture d’ingés vs culture com’, langage d’expert vs langage commun
Le développement durable n’est donc pas une valeur, mais un extraordinaire réservoir d’orientations stratégiques, un critère d’évaluation, aussi nécessaire désormais à l’entreprise que celui de la rentabilité, mais aux indicateurs d’une grande complexité.
C’est pourquoi il ne faut pas se tromper de vecteur. Le DD dans l’entreprise commence par la réconciliation de l’ingénieur et du communicant. Laisser au premier la main sur une démarche DD, et c’est la garantie de préempter un registre peu accessible et dont il sera difficile pour le communicant d’extraire une vision synthétique et compréhensible par tous ; laisser au second la charge de porter seul le discours DD dans l’entreprise, c’est au contraire prendre le risque de lisser la complexité en gommant les difficultés méthodologiques et de mise en œuvre. Une communication durable sur le DD, c’est donc une synergie réussie entre des experts DD reliés à la direction générale, une direction DD et une direction de la communication ; sans oublier la nécessité d’un langage commun dans lequel l’ingénieur peut se reconnaître et le communicant se faire comprendre. Bon courage à tous !
vendredi 12 juin 2009
Gare aux présentations .ppt trop animées…
L’effet esthétique est garanti… mais en va-t-il de même pour l’effet cognitif ? Il semble que non selon une étude réalisée par Stephen Mahar et ses collègues (Université de Caroline du Nord).
93 étudiants en management, dont le degré de compréhension avait été testé quelques semaines plus tôt de manière indépendante, ont été répartis en deux groupes de niveau comparable pour suivre un cours, l’un étant en présentation « animée » (série de diapos évolutives), l’autre en présentation fixe (série de diapos statiques). A l’issue du cours, des tests ont été réalisés. Résultat : les présentations les plus sages sont aussi les mieux retenues, cette observation corroborant des expériences antérieures (Tversky 2002). Si l’on veut optimiser la compréhension et la mémorisation de son propos, mieux vaut donc éviter les présentations qui ressemblent à des films d’animation !
Référence : Mahar S. et al. (2009), The dark side of custom animation, Int. J. Innovation and Learning, 6, 581-592.
lundi 8 juin 2009
Quand les MBA redécouvrent le facteur humain
Dans la Tribune.fr du 4 juin 2009, Julie Battilana, professeur assistant à la Harvard Business School, évoque la nécessité de repenser les contenus des cours enseignés dans les MBA. Ces Masters of Business Administration, dont les programmes sont encadrés par l’Association to Advance Collegiate Schools of Business, sont suivis chaque année par 216 000 étudiants dans le monde, et forment une référence dans le monde des affaires. Ils n’ont pas échappé à la crise, puisque parmi les titulaires de MBA on compte Rick Wagoner, qui a conduit General Motors à la faillite, John Thain, ex-n°1 de la banque Merrill Lynch, ou encore Richard Fuld, qui présida aux destinées de Lehman Brothers…
La grégarité des enseignements des MBA mise en cause
Julie Batillana dresse notamment le constat suivant à propos des enseignements des MBA : « La crise nous impose donc de repenser leur contenu. Si l'utilité des modèles financiers qui y sont enseignés n'est pas en cause, il convient d'en assurer une utilisation informée de leurs limites, notamment des hypothèses sur lesquelles ils s'appuient concernant les comportements et les préférences des acteurs. (…) Des enseignements transdisciplinaires, mobilisant autant des professeurs de finance que des professeurs spécialistes de l'étude des comportements humains au sein des organisations, permettraient sans doute de mieux mettre en évidence l'efficacité et les limites aussi bien des modèles financiers que des modèles de leadership que nous enseignons. »
Vers une vision plus complexe (et une organisation plus efficace) de la rationalité des acteurs économiques
Ce constat rejoint une critique intellectuelle de fond, menée depuis plusieurs années, sur le modèle « canonique » du comportement des acteurs économiques. De nombreux chercheurs, dont les prix Nobel Daniel Kahneman et Vernon L. Smith, ont montré que l’économie aussi bien que la finance ne sont pas nécessairement les terrains d’une « rationalité pure » et que de nombreux biais cognitifs y affectent les décisions, malgré l’impressionnante et formelle mathématisation des modèles. Toutes proportions gardées, ces observations rejoignent aussi les conclusions de l’étude que nous venons de publier sur le rôle des valeurs au sein des entreprises, et in fine la prise en compte du facteur humain dans les organisations managériales et les décisions stratégiques. Croire qu’un collaborateur de l’entreprise – quel que soit son niveau dans la hiérarchie – adopte comme par enchantement une cognition et un comportement strictement alignés sur de purs enjeux de rationalité économique est une illusion fondamentale sur la nature humaine. Et une illusion dangereuse pour la pérennité et l’efficacité des organisations.
Sur le même thème, voir aussi Caroline Talbot, MBA : les universités américaines revoient leur copie, in LesEchos.fr du 8 juin 2009